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Le procureur et son aimable compagne avaient l’air d’avoir tenu une consultation après leur frugal déjeuner, sur quelque sujet d’un grand intérêt et d’une haute importance. Quand avaient lieu de semblables conférences, Brass et Sally apparaissaient généralement à l’étude une demi-heure plus tard que de coutume et avec un air souriant, comme si les plans qu’ils venaient de tramer avaient tranquillisé leurs esprits et jeté un rayon de lumière sur leurs doutes pénibles. En ce moment, par exemple, ils semblaient plus gais encore que d’habitude ; miss Sally avait quelque chose d’onctueux, et M. Brass se frottait les mains comme un homme qui se sent l’humeur joyeuse et l’esprit libre de tout souci.

« Eh bien, monsieur Richard ! … dit le procureur, comment allons-nous ce matin ? Sommes-nous dispos et content, monsieur ? … Hein, monsieur Richard ?

— Très-bien, monsieur, répondit Swiveller.

— À merveille. Ah ! ah ! soyons gais comme des pinsons, monsieur Richard, pourquoi pas ? C’est un monde charmant que le monde où nous vivons, monsieur. Il s’y trouve de mauvaises gens, monsieur Richard ; mais s’il n’y avait pas de mauvaises gens, il n’y aurait pas de bons procureurs. Ah ! ah ! est-il venu quelque lettre par la poste ce matin, monsieur Richard ? »

M. Swiveller répondit négativement.

« Ah ! reprit Brass, ça ne fait rien. S’il y a peu de besogne aujourd’hui, il y en aura davantage demain. Un cœur satisfait, monsieur Richard, c’est la douceur de l’existence. Il n’est venu personne, monsieur ?

— Mon ami seulement, répondit M. Richard. « Puissions-nous ne jamais manquer d’un…

— D’un ami, » continua vivement Brass, « ou d’une bouteille à lui offrir. » Ah ! ah ! C’est ainsi que dit la chanson, n’est-il pas vrai ? Une jolie chanson, monsieur Richard, une jolie chanson. J’en aime le sentiment. Ah ! ah ! Votre ami est, je pense, le jeune homme de l’étude de Witherden ? Oui. « Puissions-nous ne jamais manquer d’un… » Il n’y a rien d’ailleurs, monsieur Richard ?

— Quelqu’un seulement chez le locataire.

— En vérité ? Quelqu’un chez le locataire, ah ! ah ! … « Puissions-nous ne jamais manquer d’un ami ou d’une… » Quelqu’un chez le locataire, disiez-vous, monsieur Richard ?