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bien que, même à cette époque de l’année, il y avait foule de visiteurs. Le vieillard les suivait à quelque distance le long de l’église, écoutant la voix si chère à son cœur ; et quand les étrangers avaient quitté Nelly et s’éloignaient, il se mêlait à eux pour saisir quelques lambeaux de leur conversation ; ou bien dans ce, but, il restait à la porte, la tête découverte, guettant le moment où ils passeraient. Ceux-ci vantaient toujours l’esprit et la beauté de l’enfant, et le vieillard était fier de les entendre ! Mais qu’ajoutaient donc si souvent ces visiteurs, pour que le cœur du vieillard fût torturé et pour que le pauvre homme allât tout seul gémir et sangloter dans un coin sombre ? Hélas ! qu’ils étaient indifférents à ses yeux, ceux qui n’éprouvaient pour elle que le faible intérêt du moment, ceux qui s’en allaient oublier dès la semaine suivante l’existence d’un être si charmant, même après l’avoir vu, même après en avoir eu pitié, même après avoir adressé au grand-père un adieu plein de compassion et chuchoté entre eux, en passant, d’un air mystérieux !

Parmi les gens du village aussi il n’y en avait pas un qui ne ressentit de l’affection pour la pauvre Nelly : tous éprouvaient le même sentiment ; tous avaient non-seulement de la tendresse pour elle, mais une pitié qui croissait chaque jour. Les écoliers eux-mêmes, tout légers et insouciants qu’ils étaient, aimaient Nelly. Le plus hébété d’entre eux eût été bien fâché de ne pas l’avoir aperçue à sa place accoutumée lorsqu’il se rendait à la classe, et il se fût volontiers détourné de son chemin pour aller demander de ses nouvelles à la fenêtre garnie de barreaux. Si elle était assise dans l’église, les écoliers y hasardaient tout doucement un regard à travers la porte entre-bâillée, mais ils ne s’avisaient point de lui parler, à moins qu’elle ne se levât et ne vînt leur adresser la parole. Ils lui reconnaissaient quelque chose de supérieur qui l’élevait au-dessus d’eux.

Quand le dimanche revenait, il n’y avait dans l’église que de pauvres gens ; car le château où avaient vécu les anciens seigneurs du pays n’était plus qu’une ruine abandonnée ; et, à sept milles à la ronde, il n’existait que d’humbles cultivateurs. En ce jour consacré à la prière et jusque dans le lieu saint l’on témoignait à Nelly le même intérêt que partout ailleurs. On se réunissait autour d’elle sous le porche, avant et après le service. Les tout petits enfants s’attachaient à sa jupe ; les vieillards et les femmes interrompaient leurs commérages pour lui adresser