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Ils gardèrent un silence de quelques moments ; puis Nelly murmura :

« C’est la volonté du ciel !

— Quoi donc ?

— Tout ça, tout ce qui nous concerne. Mais lequel de nous est triste maintenant ? Ce n’est pas moi toujours, vous voyez que je souris.

— Et moi aussi, dit-il, je souris à l’idée que nous rirons encore plus d’une fois ici. Ne causiez-vous pas avec quelqu’un là-bas ?

— Oui.

— De quelque chose qui vous aura rendue triste ?… »

Ici il y eut un long silence.

« Qu’est-ce que c’était ? demanda tendrement le maître d’école. Allons, dites-moi ce que c’était.

— Je m’affligeais, dit l’enfant fondant en larmes, je m’affligeais de penser que ceux qui meurent parmi nous sont bientôt oubliés.

— Et pensez-vous, dit le maître d’école, remarquant le regard qu’elle avait promené autour d’elle, qu’un tombeau sans visiteurs, un arbre languissant, une fleur ou deux fanées soient des preuves d’oubli ou de froide négligence ? Pensez-vous qu’il n’y ait pas, en dehors des fleurs ou des arbustes, des pensées en action, des souvenirs vivants pour perpétuer la mémoire des morts ? Nell, Nell, il y a peut-être dans le monde en ce moment bien des gens occupés au travail, dont les bonnes actions et les bonnes pensées n’ont d’autre source que ces tombeaux en apparence si négligés.

— Ne m’en dites pas davantage, s’écria l’enfant. Ne m’en dites pas davantage. Je sens, je comprends cela. Comment ai-je pu l’oublier ? je n’avais pourtant qu’à penser à vous.

— Il n’est rien, dit vivement son ami, non, rien d’innocent et de bon qui puisse mourir et être oublié. Si nous ne croyons pas à cela, ne croyons plus à rien. Un petit enfant, un enfant bégayant à peine qui meurt au berceau, revivra dans les plus doux souvenirs de ceux qui l’aimèrent, et remplira là-haut son rôle en rachetant les péchés du monde, bien que son corps puisse être réduit en cendres ou enseveli dans les profondeurs de l’Océan. Il n’y a pas un petit ange dont se recrute l’armée du ciel, qui ne fasse sur la terre son œuvre sainte en faveur de ceux