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tous, que l’église était sanctifiée par la présence des cendres de la pauvre dame ; il démontra que les restes de la victime avaient été recueillis pendant la nuit aux quatre coins de la ville, apportés en secret dans l’église, et déposés dans le caveau. Il y a plus : le vieux bachelier, dans l’excès de son patriotisme local, alla jusqu’à nier la gloire de la reine Élisabeth et à dire tout haut qu’il mettait bien au-dessus d’une pareille gloire celle de la plus humble femme du royaume qui avait au cœur de la tendresse et de la piété. Quant à la tradition d’après laquelle la pierre plate posée près de la porte n’était point le tombeau du misérable qui avait déshérité son fils unique et légué à l’église une somme d’argent pour établir un carillon, le vieux bachelier s’empressa de l’admettre ; il disait qu’il était impossible que le pays eût jamais produit un tel monstre. En un mot, il voulait bien que toute pierre ou toute plaque de cuivre fût le monument des actions seules dont la mémoire était digne de survivre, mais pour les autres, elles ne méritaient que l’oubli. Qu’ils eussent été ensevelis dans la terre consacrée, à la bonne heure, mais il les y laissait enfouis profondément, pour ne jamais revoir le jour.

Ce fut par les soins d’un si bon maître que l’enfant apprit facilement sa tâche. Déjà fortement émue par le monument silencieux et la paisible beauté du site au sein duquel il élevait sa majestueuse vieillesse entourée d’une jeunesse perpétuelle, il semblait à Nelly, lorsqu’elle entendait ces récits, que cette église était le sanctuaire de toute bonté, de toute vertu. C’était comme un autre monde, où jamais le péché ni le chagrin n’étaient apparus, un lieu de repos inaltérable, où le mal n’osait mettre le pied.

Après lui avoir raconté, au sujet de presque toutes les tombes et les pierres sépulcrales, l’histoire qui s’y rattachait, il la conduisit dans la vieille crypte, maintenant un simple caveau noir, et lui montra comment elle était éclairée au temps des moines ; comment, parmi les lampes qui pendaient du plafond, et les encensoirs qui, en se balançant, exhalaient les parfums de la myrrhe, et les chapes brillantes d’or et d’argent, et les peintures, et les étoffes précieuses, et les joyaux tout rayonnants, tout étincelants sur les arcades profondes, le chant des voix de vieillards avait retenti plus d’une fois à minuit dans les siècles reculés, tandis que des ombres dont le visage se cachait sous un capuchon étaient agenouillées tout autour à prier en défilant les