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plus d’un jour d’été le trouva dans l’intérieur de l’église, plus d’une soirée d’hiver le vit au coin du feu du desservant, méditant sur ce sujet favori et ajoutant quelque richesse nouvelle à son petit trésor de traditions et de légendes.

Comme il n’était pas de ces esprits farouches qui voudraient mettre à nu la Vérité, en la dépouillant du peu de voiles et de vêtements que le temps et la féconde imagination des poëtes aiment à lui prêter, des agréments qui la décorent et servent, comme les eaux de son puits, à donner des grâces de plus aux charmes qu’ils cachent et montrent à moitié, à éveiller l’intérêt et la curiosité plutôt qu’à faire naître la langueur et l’indifférence ; comme, loin de ressembler à ces censeurs moroses et endurcis, le vieux bachelier aimait à voir la déesse couronnée de ces guirlandes de fleurs sauvages que la tradition a tressées pour lui en faire une brillante parure, et qui souvent ont d’autant plus de fraîcheur qu’elles ont plus de simplicité ; il marchait d’un pas léger et posait une main légère sur la poussière des siècles. Il aurait été bien fâché de soulever aucune des nobles pierres qu’on y avait élevées sur les tombes, pour voir s’il était vrai qu’il y eût là-dessous quelque cœur honnête et loyal. Ainsi, par exemple, il y avait un vieux cénotaphe de pierre grossière qui, depuis longues générations, passait pour contenir les ossements d’un certain baron, lequel, après avoir porté le ravage, le pillage et le meurtre en pays étranger, était revenu plein de repentir et de douleur faire pénitence et mourir dans sa patrie. Or, de doctes antiquaires avaient récemment découvert que cette tradition n’était nullement fondée, et que le baron en question était mort, à les en croire, les armes à la main sur un champ de bataille, en grinçant des dents et proférant des malédictions jusqu’à son dernier soupir. Le vieux bachelier soutint haut et ferme que la tradition seule était véridique ; que le baron, repentant de ses crimes, avait fait de grandes charités et rendu doucement son âme à Dieu ; et que, si jamais baron monta au ciel, celui-ci y était assurément bien tranquille. Autre exemple : lorsque les mêmes archéologues prétendirent prouver qu’un certain caveau secret ne contenait nullement la tombe d’une vieille dame qui avait été pendue, traînée sur la claie et écartelée par les ordres de la glorieuse reine Élisabeth, pour avoir secouru un malheureux prêtre qui se mourait de faim et de soif à sa porte, le vieux garçon soutint solennellement, envers et contre