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Nelly dépassa l’église, dont elle contempla la tour gothique, franchit la porte guichetée du cimetière, et pénétra dans le village. Le vieux fossoyeur, appuyé sur une béquille, prenait l’air devant la porte de sa chaumière et il souhaita le bonjour à Nelly.

« Allez-vous mieux ? dit Nelly s’arrêtant pour causer avec lui.

— Oui, certainement, répondit le vieillard. Je vous remercie beaucoup ; infiniment mieux.

— Avant peu, vous serez tout à fait bien.

— Avec la permission de Dieu et un peu de patience. Mais entrez, entrez. »

Le vieux fossoyeur la précéda en boitant.

« Prenez garde ; il y a, dit-il, un pas à descendre. »

Ayant lui-même descendu ce pas, non sans une grande difficulté, il introduisit Nelly dans sa modeste habitation.

« Vous voyez, dit-il, il n’y a qu’une chambre. Il y en a bien une autre là-haut, mais depuis quelques années elle ne me sert pas, parce que l’escalier est devenu trop rude à monter. Toutefois, je pense bien que je la reprendrai l’été prochain. »

Nelly s’étonna qu’une tête grise comme cet homme, surtout exerçant une pareille profession, pût parler aussi à l’aise du temps à venir. Il s’aperçut que son regard se promenait sur les outils accrochés le long de la muraille, et il sourit.

« Je parie, dit-il, savoir ce que vous pensez.

— Eh bien ?

— Vous pensez que je me sers de tous ces outils pour creuser les tombes.

— En effet, je m’étonnais de ce que vous aviez besoin d’en employer tant.

— Et vous aviez bien raison. C’est que, voyez-vous, je suis jardinier. Je bêche le terrain pour y planter des choses destinées à vivre et à croître. Il ne faut pas croire que mes œuvres doivent toutes moisir et pourrir en terre. Voyez-vous au milieu cette bêche ?

— Qui est si vieille, si ébréchée, si usée ? … Oui.

— C’est la bêche du fossoyeur, et vous voyez qu’elle a du service. On se porte bien dans ce pays-ci, et cependant elle a fait joliment du travail. Si elle pouvait parler, cette bêche, elle vous parlerait de plus d’une besogne inattendue qu’elle et moi nous avons accomplie ensemble ; mais j’oublie tout à présent,