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tait fortifié ; son esprit avait grandi, son âme s’était épurée ; dans son sein avaient germé ces saintes pensées et ces graves espérances qui n’appartiennent guère qu’aux faibles et aux languissants. Personne ne vit cette créature fragile lorsqu’elle s’éloigna doucement du feu et qu’elle alla s’appuyer pensive au bord de la petite fenêtre ouverte ; nul, si ce n’est les étoiles, n’était là pour apercevoir son visage levé vers le ciel et y lire son histoire. La vieille cloche de l’église sonnait l’heure avec un timbre mélancolique, comme si elle ressentait quelque tristesse d’avoir de si longs entretiens avec les morts, et d’adresser tant d’avertissements inutiles aux vivants ; les feuilles mortes bruissaient, l’herbe frémissait sur les tombes ; hors cela, tout était tranquille, tout dormait.

Quelques-uns de ces dormeurs sans rêves étaient couchés dans l’ombre de l’église, près des murs ; comme s’ils s’y attachaient pour y trouver protection et bien-être. D’autres avaient choisi leur asile sous l’ombrage mouvant des arbres ; d’autres sur le chemin où l’on pouvait passer près d’eux ; d’autres parmi les tombes des petits enfants. Il y en avait qui avaient préféré s’étendre sur le sol même qu’ils avaient foulé dans leurs pérégrinations du jour ; d’autres, là où le soleil couchant échaufferait leur petit lit ; d’autres, là où ses premiers rayons les éclaireraient dès l’aube. Peut-être n’y avait-il aucune de ces âmes, emprisonnées maintenant dans la tombe, qui eût jamais de son vivant songé à se séparer de l’église, sa vieille compagne ; ou si cette pensée avait jamais traversé son esprit, il avait conservé encore pour elle cet amour que l’on a vu des prisonniers garder à la cellule où ils avaient été longtemps confinés, et dont l’étroite enceinte, au moment du départ, les retenait encore par de chers et douloureux regrets.

Il s’écoula de longues heures avant que l’enfant refermât la fenêtre et gagnât son lit. Elle éprouvait encore quelque chose de semblable aux sensations d’autrefois, un frisson involontaire, une sorte de frayeur momentanée, mais qui s’évanouit aussitôt sans laisser d’alarme après soi. Ses rêves lui montrèrent aussi de nouveau le petit écolier ; le toit s’ouvrit, et toute une colonne de visages brillants montaient dans les hauteurs du ciel, comme elle en avait vu dans les vieilles gravures des saintes écritures. Chers anges ! ils abaissaient leurs regards sur le lit ou elle reposait. Quel doux et heureux songe ! Au dehors,