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l’âtre, et colorant les murs vieux et blêmes d’une clarté vive et gaie. Nelly exerça activement son aiguille ; elle répara les rideaux de croisée en lambeaux, rajusta les déchirures que le temps avait faites dans les morceaux usés de tapis qu’elle réunit pour leur donner un air décent. Le maître d’école nettoya et aplanit le terrain devant la porte, coupa l’herbe haute, arracha le lierre et les plantes rampantes qui laissaient pendre en désordre leurs tiges languissantes ; il donna à l’extérieur des murs un air de propreté et presque de parure. Le vieillard, tantôt seul, tantôt avec l’enfant, les aidait tous deux, rendait patiemment quelques petits services, et se trouvait heureux. Les voisins aussi, au sortir du travail, vinrent les assister, ou bien leur envoyèrent par leurs enfants de petits présents et des objets de nécessité première pour des étrangers. La journée avait été bien remplie : quand la nuit arriva, elle les trouva tout étonnés qu’il y eût encore tant à faire et que l’ombre descendit sitôt.

Ils soupèrent ensemble dans la maison que nous appellerons désormais « la maison de l’enfant », et, le repas terminé, ils s’assirent en cercle devant l’âtre. Là, à demi-voix, car leur cœur était trop plein et trop satisfait pour leur permettre de parler à voix haute, ils s’entretinrent de leurs plans d’avenir. Avant qu’ils se séparassent, le maître d’école fit lecture de quelques prières ; puis, remplis de bonheur et de reconnaissance envers Dieu, ils se quittèrent pour le reste de la nuit.

À cette heure silencieuse, tandis que le grand-père dormait paisiblement dans son lit et que tout se taisait, l’enfant demeura devant les cendres mourantes à évoquer le souvenir de ses aventures passées, comme si ce n’était qu’un rêve dont elle aimait à ranimer l’image confuse. La clarté du feu qui s’affaissait, réfléchie par les panneaux de chêne dont les saillies sculptées se découpaient en lignes sinistres sur l’obscurité du plafond ; les murailles antiques, où d’étranges ombres allaient et venaient, suivant les vacillations de la flamme ; l’aspect solennel du dépérissement qui finit par ronger aussi les objets inanimés et invisibles ; partout enfin, autour d’elle, l’image de la mort ; cet ensemble portait dans l’âme de Nelly de graves pensées, mais aucun sentiment de terreur ni d’alarme. Peu à peu une métamorphose s’était opérée en elle dans les jours de solitude et de chagrin : sa force avait diminué, mais son courage s’é-