Brass, il alla droit vers la table ; commençant par le verre du procureur, il en avala le contenu, puis il fit régulièrement le tour de la table jusqu’à ce qu’il eût bu les deux autres verres ; ensuite il mit sous son bras sa cave à liqueurs sans cesser de dévisager Brass avec son regard étrange.
— Je ne suis pas encore mort, Sampson, dit-il. Non, pas encore !
— Oh ! c’est charmant ! s’écria Brass reprenant un peu d’aplomb. Ah ! ah ! ah ! C’est charmant ! Il n’y a pas un homme au monde qui se fût ainsi tiré d’affaire. C’était une position difficile. Mais il a un tel flux de bonne humeur, un flux si prodigieux !…
— Bonsoir, dit le nain avec un geste expressif.
— Bonsoir, monsieur, bonsoir, s’écria le procureur en se retirant à reculons. Quelle heureuse, oh ! oui, quelle bienheureuse surprise ! Ah ! ah ! ah ! Délicieux ! vraiment délicieux ! »
Le nain attendit que le bruit des exclamations de M. Brass se perdît dans l’éloignement, car M. Brass n’avait pas cessé de les continuer à haute voix tout en descendant l’escalier. Il s’avança alors vers les deux bateliers qui étaient restés immobiles dans une sorte d’étonnement stupide.
« N’avez-vous pas, messieurs, dit-il en tenant avec une grande politesse la porte ouverte, sondé la rivière toute la journée ?
— Oui monsieur, et hier aussi.
— Pardieu ! vous vous êtes donné là bien de la peine. Je vous prie de considérer comme à vous tout ce que vous trouverez sur… sur le corps du noyé. Bonsoir. »
Les deux hommes s’entre-regardèrent ; mais sans s’amuser à discuter sur le point en litige, ils se glissèrent hors de la chambre. Après avoir fait si vite maison nette, Quilp ferma les portes ; et tenant toujours précieusement sa cave à liqueurs, en levant les épaules et se croisant les bras, il resta à considérer sa femme évanouie, semblable à un cauchemar qui vient de peser sur la poitrine du patient endormi.