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bien haut avec cette aptitude particulière qu’ont les gens de sa classe à métamorphoser les noms, que c’était pour « monsieur Swivelling. »

Dick pâlit et parut embarrassé à la vue de l’adresse, mais plus encore quand il eut lu le contenu.

« Voilà, dit-il, l’inconvénient de plaire aux femmes. Il est facile de parler comme nous l’avons fait tout à l’heure ; mais je ne songeais plus à elle.

Elle ? qui ça ? demanda Trent.

— Sophie Wackles.

— Quelle Sophie ?

— C’est le rêve de mon imagination, répondit Swiveller, humant une large gorgée du « vin rosé » et regardant gravement son ami : une personne ravissante, divine. Vous la connaissez.

— En effet, je me la rappelle, dit Frédéric avec insouciance. Que vous veut-elle ?

— Eh bien, monsieur, entre miss Sophie Wackles et l’humble individu qui a l’honneur d’être avec vous, il s’est établi un sentiment aussi ardent que tendre, sentiment de la nature la plus honorable et la plus poétique. La déesse Diane, monsieur, qui appelle ses nymphes à la chasse, n’est pas, j’ose le dire, plus scrupuleuse dans sa conduite que Sophie Wackles.

— Voulez-vous me faire croire qu’il y ait rien de réel dans vos paroles ? demanda son ami. Vous ne voulez sans doute pas dire que vous lui avez fait la cour ?

— La cour, si ; des promesses, non. Ce qui me rassure, c’est qu’on ne pourrait intenter contre moi aucune poursuite pour rétractation de promesse. Je ne me suis jamais compromis jusqu’à lui écrire.

— Que vous demande-t-elle dans cette lettre ?

— C’est pour me rappeler, Fred, une petite soirée qui a lieu aujourd’hui même ; une réunion de vingt personnes, c’est-à-dire de deux cents jolis orteils en tout qui vont se démener gentiment dans la danse, en supposant que les messieurs et les dames invités apportent leur contingent naturel. Il faut que j’y aille, ne fût-ce que pour entamer la rupture. Je m’y engage, n’ayez pas peur. Je ne serais pas fâché de savoir si c’est Sophie elle-même qui a remis cette lettre. Si c’est elle, elle-même, qui ne se doutait guère de cet obstacle à son bonheur, c’est une chose vraiment touchante. »