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CHAPITRE VI.


La petite Nelly se tenait timidement à quelque distance du nain, étudiant du regard la physionomie de M. Quilp tandis qu’il lisait la lettre ; son regard témoignait de la crainte et du peu de confiance que lui inspirait le nain, mais en même temps d’une certaine envie de rire, en présence de cet extérieur bizarre et de ce grotesque maintien. Et cependant chez l’enfant il y avait une vive inquiétude : quelle réponse rapporterait-elle ? Il dépendait de cet homme de la rendre à son gré agréable ou désolant, cette considération étouffait toute envie de rire, et contribuait plus à la retenir que tous les efforts qu’eût pu faire Nelly par elle-même.

Le contenu de la lettre plongea M. Quilp dans une assez grande anxiété. À peine en avait-il lu deux ou trois lignes, qu’il commença à écarquiller les yeux et à froncer horriblement les sourcils ; aux deux ou trois lignes suivantes, il se mit à se gratter la tête d’une manière désordonnée, et, en arrivant à la fin, il poussa un sifflement long et aigu, en signe de surprise et de contrariété. Il plia la lettre, la déposa près de lui, mordit les ongles de ses dix doigts avec une sorte de voracité, reprit vivement la lettre et la relut. Cette seconde lecture ne fut pas selon toute apparence, plus satisfaisante que la première ; elle le jeta dans une rêverie nouvelle d’où il ne sortit que pour livrer encore un assaut à ses ongles et regarder l’enfant qui, les yeux baissés, attendait le bon plaisir de sa réponse.

« Hé ! cria-t-il soudain d’une voix qui la fit tressaillir, comme si un coup de feu avait été tiré à son oreille. Hé ! Nelly !

— Oui, monsieur.

— Nelly, connaissez-vous le contenu de cette lettre ?

— Non, monsieur.

— Est-ce certain, bien certain, sur votre âme ?

— Bien certain, monsieur.

— Bien sûr ? Mettriez-vous votre main au feu que vous n’en savez pas un seul mot ? demanda le nain.