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« Ne recommencez pas, toujours ! dit le jeune garçon secouant la tête et battant en retraite avec ses coudes prêts à tout événement. Vous n’avez qu’à y venir !

— C’est bon, chien que vous êtes ! dit Quilp. En voilà assez, puisque j’ai fait ce qui me convenait. Allons, ici ! Prenez la clef.

— Pourquoi ne vous attaquez-vous pas à quelqu’un de votre taille ? demanda l’autre en s’approchant avec lenteur.

— Chien ! est-ce qu’il existe quelqu’un de ma taille ? Prenez la clef… sinon je vous en brise le crâne. »

Et de fait il lui appliqua vivement un coup avec le bout de la clef.

« Allons, ouvrez le comptoir, »

Le jeune garçon obéit en rechignant. Il murmurait d’abord, mais il se tut par prudence, en voyant Quilp le suivre de près et fixer sur lui un regard ferme. Il est bon de faire remarquer qu’entre ce garçon et le nain il y avait une étrange espèce de sympathie mutuelle. Comment cette sympathie était-elle née ? Comment continuait-elle d’exister, entre des menaces et de mauvais traitements d’un côté, et de l’autre des répliques aigres et des défis provoquants, c’est ce qui ne nous importe guère. Quilp assurément n’eût souffert de contradiction de la part d’aucune autre personne que ce jeune homme, et celui-ci ne se fût pas laissé battre par un autre que Quilp, lorsqu’il lui était si aisé de se sauver à son aise.

« Maintenant, dit Quilp entrant dans ce comptoir, veillez sur le débarcadère. Si vous vous avisez de marcher encore sur la tête, je vous couperai un pied. »

Le jeune homme ne répondit rien ; mais dès qu’il vit que son maître s’était enfermé, il se remit sur la tête devant la porte, et tantôt recula, tantôt avança en marchant sur les mains. Le comptoir offrait quatre faces ; mais notre garçon évita le côté de la fenêtre, pensant bien que Quilp le guetterait par là. C’était prudent, car le nain, connaissant le gaillard, s’était embusqué à peu de distance de cette fenêtre, avec un gros morceau de bois raboteux, ébréché et garni de clous, qui certainement ne lui eût pas fait de bien.

Le comptoir était une petite loge sale, où l’on ne voyait qu’un vieux pupitre, deux escabeaux, une patère à accrocher les chapeaux, un ancien almanach, une écritoire sans encre, un trognon