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— Vous voulez dire qu’il ne devrait pas l’être, répondit le vieillard ; mais il l’est en effet.

— Et celui-ci ? demanda le nain, montrant Dick Swiveller.

— C’est un de ses amis, aussi bienvenu que l’autre dans ma maison.

— Et celui-là ? demanda encore le nain, tournant sur ses talons et me montrant du doigt.

— Un gentleman qui a eu la bonté de ramener Nell au logis l’autre soir qu’elle s’était égarée en revenant de chez vous. »

Le petit homme se tourna vers l’enfant pour la gronder ou lui exprimer son étonnement ; mais, comme elle était en train de causer avec le jeune homme, il se contint et pencha la tête afin d’entendre leur conversation.

« Eh bien, Nelly, disait à haute voix le jeune homme, est-ce qu’on ne vous enseigne pas à me haïr, hein ?

— Non, non. Quelle horreur ! Oh ! non.

— On vous enseigne à m’aimer, peut-être ? dit-il en ricanant.

— Ni l’un ni l’autre. Jamais on ne me parle de vous, jamais.

— J’en suis persuadé, dit-il en lançant à son grand-père un regard farouche ; j’en suis persuadé, Nell. Je vous crois.

— Moi, je vous aime sincèrement, Fred.

— Sans doute !

— Je vous aime et vous aimerai toujours, répéta-t-elle avec une vive émotion ; mais si vous vouliez cesser de le tourmenter, de le rendre malheureux, ah ! je vous aimerais encore davantage.

— Je comprends, dit le jeune homme qui s’inclina nonchalamment vers l’enfant et la repoussa après l’avoir embrassée. Là ! maintenant que vous avez bien débité votre leçon, vous pouvez vous retirer. Il est inutile de pleurnicher. Nous ne nous quittons pas mal ensemble, si c’est cela qu’il vous faut. »

Il demeura silencieux, la suivant du regard jusqu’à ce qu’elle eût regagné sa petite chambre et fermé la porte ; se tournant ensuite vers le nain, il lui dit brusquement :

« Écoutez-moi, monsieur…

— C’est à moi que vous parlez ? répliqua le nain. Mon nom est Quilp. Ce n’est pas long à retenir : Daniel Quilp.

— Alors, écoutez-moi, monsieur Quilp. Vous avez un peu d’influence sur mon grand-père…