Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



CHAPITRE III.


Nelly était suivie de près par un homme âgé, dont les traits étaient remarquablement durs et repoussants. Cet homme était de si petite taille, qu’il eût pu passer pour un nain, bien que sa tête et sa figure n’eussent pas déparé le corps d’un géant. Ses yeux noirs, vifs et empreints d’une expression d’astuce, étaient sans cesse en mouvement, sa bouche et son menton hérissés du chaume d’une barbe dure et inculte. Il avait de ces teints qui ont toujours l’air malpropre ou malsain. Mais ce qui donnait à l’ensemble de sa physionomie quelque chose de plus grotesque encore, c’était un sourire sinistre qui semblait provenir d’une simple habitude sans avoir rapport à aucun sentiment de joie ou de plaisir, et mettait constamment en évidence le peu de dents jaunâtres éparpillées dans sa bouche, ce qui lui donnait l’aspect d’un dogue haletant. Son costume se composait d’un vaste chapeau rond à haute forme, de vêtements de drap noir usé, d’une paire de larges souliers, et d’une cravate d’un blanc sale chiffonnée comme une corde, de manière à laisser à découvert la plus grande partie de son cou roide et nerveux. Le peu de cheveux qu’il avait étaient d’un noir grisonnant, coupés ras, aplatis sur les tempes et retombant sur ses oreilles en frange dégoûtante. Ses mains, couvertes d’un véritable cuir à gros grains, étaient d’une odieuse malpropreté ; il avait les ongles crochus, longs et jaunes.

J’eus amplement le temps de noter ces traits caractéristiques ; car, outre qu’ils étaient de nature à frapper sans plus ample examen, il se passa quelques instants avant que le silence, fût rompu. L’enfant s’avança timidement vers son frère et mit sa main dans la sienne. Le nain, si l’on veut bien nous permettre de l’appeler ainsi, avait embrassé d’un coup d’œil pénétrant tous ceux qui étaient présents ; et le marchand de curiosités, qui sans doute ne comptait pas sur cet étrange visiteur, semblait éprouver un profond embarras.

« Ah ! ah ! dit le nain qui, la main posée au-dessus de ses yeux, avait regardé attentivement le jeune homme ; ce doit être là votre petit-fils, voisin ?