Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Miss Sally a dit qu’il ne faut pas que je le montre, parce que si l’on voyait combien je suis petite, on craindrait de n’être pas bien servi.

— Est-ce qu’ils ne finiront pas par voir que vous êtes petite ?

— Oui, mais on aura toujours loué pour une quinzaine, répondit la jeune fille avec un regard malin ; et les gens n’aiment pas à se déranger une fois qu’ils sont établis quelque part.

— Le raisonnement est curieux, dit Richard en se levant. Ah çà ! qu’est-ce que vous êtes ici ? la cuisinière ?

— Oui, je fais la cuisine. Je suis aussi femme de chambre. Je fais tout l’ouvrage de la maison.

— Je suppose cependant, pensa M. Swiveller, que Brass, le dragon et moi, nous faisons la plus sale partie de la besogne. »

Et il eût sans doute donné un plus libre cours à ses pensées, dans la disposition de doute et d’hésitation où il se trouvait, si la jeune fille n’avait continué à le presser, et si certains coups mystérieux appliqués avec force sur le mur du couloir et sur les marches de l’escalier n’avaient témoigné de l’impatience qu’éprouvait le visiteur. En conséquence, Richard Swiveller, fichant une plume derrière chaque oreille, et en mettant une autre dans sa bouche comme une marque de sa haute importance et de son zèle à remplir ses fonctions, s’élança au dehors pour voir le gentleman qui attendait, et pour entrer en arrangement avec lui.

Il fut quelque peu surpris de découvrir que les coups violents qu’il avait entendus étaient produits par la malle du gentleman, laquelle était en train de gravir l’escalier sous les efforts réunis de son propriétaire et du cocher : or, la tâche n’était pas facile ; car, d’une part, l’escalier était roide, et de l’autre, la malle, très-pesamment chargée, était bien large deux fois comme l’escalier. Les deux hommes, se heurtant l’un l’autre, appuyant de toutes leurs forces, poussaient la malle le plus ferme et le plus vite possible dans toutes sortes d’angles impraticables d’où il n’y avait pas moyen de se tirer ; pour ce motif suffisant, M. Swiveller les suivit lentement par derrière en protestant à chaque étage contre cette manière de prendre d’assaut la maison de M. Sampson Brass.

À ces remontrances le gentleman ne répondait pas un mot mais lorsque enfin sa malle fut parvenue dans la chambre à coucher, il s’assit dessus et essuya avec son mouchoir son front