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fredonnait, l’assurance mélodieuse que « son cœur était dans les montagnes, et qu’il ne lui manquait que son coursier arabe pour commencer à accomplir de grands actes de bravoure et d’honneur chevaleresque, » détacha ses yeux du plafond et descendit à la vile prose.

« Fred, dit-il, s’arrêtant tout à coup, comme si une idée soudaine lui avait traversé le cerveau, et reprenant sa voix de fausset, le vieux est-il en bonne disposition ?

— Qu’est-ce que cela vous fait ? répliqua l’ami d’un ton bourru.

— Rien ; mais je vous le demande.

— Oui, naturellement. D’ailleurs, que m’importe qu’il le soit ou non ? »

Encouragé sans doute, par cette réponse, à se jeter dans une conversation plus générale, M. Swiveller s’attacha à captiver notre attention.

Il commença par faire remarquer que le soda-water, quoique chose bonne en soi, était de nature à refroidir l’estomac si on ne le relevait par du gingembre ou une légère infusion d’eau-de-vie ; que ce dernier liquide est en tout cas préférable, sauf une petite considération, celle de la dépense. Personne ne s’aventurant à combattre ces propositions, il continua en disant que la chevelure humaine était un corps très-propre à concentrer la fumée de tabac, et que les jeunes étudiants de Westminster et d’Eton, après avoir mangé quantité de pommes pour dissimuler l’acre parfum du cigare à leurs professeurs vigilants, étaient d’ordinaire trahis par cette propriété que possède leur tête d’une façon remarquable : d’où il conclut, que si l’Académie des sciences voulait fixer son attention sur ce sujet, et essayer de trouver dans les ressources de nos connaissances acquises un moyen de prévenir ces révélations indiscrètes, elle rendrait un immense service à l’humanité tout entière. Ces idées ne furent pas plus combattues que les précédentes. Alors M. Swiveller nous apprit que le rhum de la Jamaïque, quoiqu’il soit sans contredit un spiritueux agréable, plein de richesse et d’arôme, a l’inconvénient de revenir au goût durant tout le reste de la journée. Et comme personne ne s’avisait de contester l’un ou l’autre de ces points, M. Swiveller sentit sa confiance augmenter, et devint encore plus familier et plus expansif.

« C’est le diable, messieurs, dit-il, lorsque des parents en viennent à se brouiller Si l’aile de l’amitié ne doit jamais per-