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giste, citant son enseigne. Bons lits, bon logis à pied, à cheval, et pas cher. Minuit et demi.

— Il est bien tard, dit tristement Nelly ; je voudrais bien que nous fussions partis plus tôt. Que va-t-on penser de nous ? Il sera deux heures au moins quand nous arriverons. Qu’est-ce qu’il nous en coûterait, monsieur, si nous nous arrêtions ici ?

— Deux bons lits, pour trente-six sous ; pour le souper et la bière, vingt-cinq sous ; total, trois francs cinq. »

Nelly avait encore la pièce d’or cousue dans sa robe. Elle pensa à l’heure avancée et aux habitudes régulières de Mme Jarley pour se mettre au lit ; elle se représenta l’effroi de la bonne dame, lorsque, au milieu de la nuit, elle entendrait retentir son marteau ; d’autre part, elle réfléchit que, s’ils restaient dans l’auberge où ils étaient et se levaient le lendemain de grand matin, ils pourraient être de retour avant que Mme Jarley fût éveillée et donner pour raison plausible de leur absence l’orage qui les avait surpris. En conséquence, après une assez longue hésitation, elle se décida à rester. Elle prit donc à part son grand-père et lui proposa de coucher à l’auberge, en lui disant qu’elle avait gardé assez d’argent pour payer leur dépense.

« Si je l’avais eu, cet argent ! … murmura le vieillard ; si je l’avais seulement su il y a quelques minutes ! …

— Nous resterons ici si cela vous convient, dit Nelly, se tournant vivement vers l’aubergiste.

— Je crois que c’est prudent, dit M. Groves. On va vous servir à souper sur-le-champ. »

En effet, quand M. Groves eut fumé sa pipe, qu’il en eut secoué la cendre, et qu’il l’eut posée soigneusement, la tête en bas, dans un coin du foyer, il apporta du pain, du fromage et de la bière avec force éloges sur leur excellente qualité, et invita ses hôtes à se mettre à table et à faire comme chez eux. Nelly et son grand-père mangèrent peu, absorbés qu’ils étaient tous deux par leurs réflexions. Isaac et Mat, qui trouvaient la bière un liquide trop faible et trop doux pour leur constitution, se consolèrent avec des liqueurs et du tabac.

Comme Nelly et son grand-père devaient quitter la maison le lendemain de très-bonne heure, l’enfant était pressée de payer leur dépense avant qu’ils allassent se coucher. Mais sentant la nécessité de soustraire son petit trésor à la connaissance de son grand-père, et ne pouvant payer sans changer