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maisons qui bordaient un des côtés du chemin tellement épaisse, que Quilp avait l’air d’être sorti de terre ; mais enfin c’était bien lui. L’enfant se retira dans un angle sombre, et elle vit le nain passer tout près d’elle. Il avait un bâton à la main, et lorsqu’il eut traversé l’obscurité de la vieille porte, il s’appuya sur ce bâton, regarda en arrière juste du côté où se trouvait Nelly, et fit un signe.

Un signe à Nelly ? Oh ! non, grâce à Dieu, pas à Nelly ; car tandis qu’elle restait clouée par la peur, ne sachant si elle devait appeler à son secours ou bien quitter la place où elle s’était cachée et s’enfuir avant que Quilp s’approchât davantage, une autre figure sortit lentement de la porte. C’était un jeune garçon qui avait une malle sur le dos.

« Plus vite, coquin ! dit Quilp, les regards tournés vers la vieille porte, et se montrant au clair de la lune comme quelque figure de marmouset qui serait descendue de sa niche et qui se retournerait pour revoir son ancienne demeure ; plus vite !

— C’est que la malle est horriblement lourde, monsieur, répondit le jeune garçon pour s’excuser ; je suis venu bien vite tout de même.

— Vous êtes venu vite tout de même ? répondit Quilp. Vous vous traînez, au contraire, vous rampez, chien que vous êtes ! vous ne faites pas plus de chemin qu’une misérable chenille. Entendez-vous sonner minuit et demi ? »

Il s’arrêta pour écouter, puis se tournant vers le jeune garçon avec une brusquerie et un air féroce qui le firent tressaillir, il lui demanda quand la diligence de Londres passait au détour de la route.

« À une heure, répondit le jeune garçon.

— En ce cas, venez donc alors, dit Quilp, ou bien j’arriverai trop tard. Plus vite ! M’entendez-vous ? Plus vite ! »

Le jeune garçon marcha du mieux qu’il lui fut possible. Quilp le précédait, se retournant sans cesse pour le menacer et lui faire presser le pas.

Nelly n’osa remuer jusqu’à ce qu’elle les eût perdus de vue et que le bruit de leurs voix n’arrivât plus jusqu’à elle. Alors elle se hâta d’aller rejoindre son grand-père, tout inquiète pour lui, comme si le voisinage du nain avait dû remplir, en passant, le vieillard de terreur. Mais celui-ci dormait d’un sommeil paisible, et Nelly se retira doucement.