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maître d’école était revenu sur le seuil de sa porte. Le vieillard retourna vers lui pour lui presser les mains ; Nelly en fit autant.

« Bonne chance et bon voyage ! dit le pauvre maître d’école. Me voilà seul encore. Si un jour vous repassez par ici, n’oubliez pas la petite école de village.

— Nous ne l’oublierons jamais, monsieur, répondit Nelly ; jamais nous ne perdrons la mémoire de vos bontés pour nous.

— J’ai souvent entendu de semblables paroles tomber des lèvres des enfants, dit le maître d’école secouant la tête et souriant d’un air pensif ; mais elles ont été bientôt oubliées. J’avais un jeune ami, bien jeune il est vrai, mais il n’en valait que mieux. À présent tout est fini ! … Que Dieu vous conduise ! »

Ils lui renouvelèrent plusieurs fois leurs adieux et partirent enfin, marchant d’un pas lent et se retournant souvent jusqu’à ce qu’ils ne pussent plus l’apercevoir. Ils avaient fini par laisser loin derrière eux le village et n’en voir même plus la fumée à travers les arbres. Alors ils pressèrent le pas ; leur dessein était de gagner la grande route et de la suivre à la grâce de Dieu.

Mais les grandes routes mènent bien loin. À l’exception de deux ou trois petits groupes de chaumières qu’ils dépassèrent sans s’arrêter et d’un cabaret isolé situé au bord du chemin où ils se procurèrent du pain et du fromage, cette grande route ne les avait encore menés à rien… L’après-midi s’avançait, et toujours s’allongeait cette même route triste, ennuyeuse et tortueuse qu’ils avaient suivie durant toute la journée. Cependant, comme ils n’avaient pas d’autre ressource que d’aller en avant, ils continuèrent à marcher, bien que plus lentement à cause de leur fatigue excessive.

L’après-midi était devenue une belle soirée lorsqu’ils arrivèrent à un endroit où la route formait un grand détour à travers une lande. Sur les limites de cette lande et près d’une haie qui la séparait des champs cultivés, était une caravane au repos ; nos voyageurs, qui n’avaient pu la voir à raison de la position qu’elle occupait, l’abordèrent si soudainement qu’ils n’eussent pu l’éviter quand ils auraient voulu le faire.

Ce n’était pas un de ces chariots délabrés, sales, poudreux, comme on en voit tant de ce genre, mais une petite maison posée sur des roues avec des rideaux blancs en basin décorant les croisées et des jalousies peintes en vert encadrées dans des