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y avez aussi votre intérêt, je suppose, répliqua l’autre.

— Oui, j’en ai un naturellement, dit Quilp riant de l’idée que Frédéric ne soupçonnait pas son but réel ; peut-être des représailles à exercer, peut-être une fantaisie. J’ai des moyens, Fred, de seconder ce projet ou de m’y opposer. Quel parti prendrai-je ? Voici une paire de balances, je la ferai pencher du côté que je voudrai.

— Faites-la pencher de mon côté, dit Trent.

— Voilà qui est fait, mon cher Fred, répondit Quilp tendant sa main fermée, puis l’ouvrant comme s’il en laissait tomber quelque objet pesant ; le poids est dans le plateau et il l’entraîne. Faites attention.

— Oui, mais où sont-ils partis, les plateaux ? » demanda Trent.

Quilp secoua la tête et dit que le point restait à découvrir, mais que ce ne serait peut-être pas bien difficile. Une fois la chose faite, ils auraient à concerter leurs démarches préliminaires. Il se chargeait de voir le vieillard, ou bien Richard Swiveller pourrait l’aller voir, lui montrer de la chaleur pour ses intérêts, le presser de se loger dans une maison convenable et, par la reconnaissance qu’il inspirerait à la jeune fille, ferait du progrès dans son estime. Grâce à cette impression, il serait facile de la gagner d’ici à un ou deux ans : car elle supposait que le vieillard était pauvre, celui-ci affectant, par une politique qui n’était pas rare chez les avares, d’étaler les dehors de l’indigence aux yeux de ceux qui l’entouraient.

« Il a bien assez souvent caché son jeu avec moi, dit Trent, et tout dernièrement encore.

— Et avec moi aussi, dit le nain. Ce qui est d’autant plus extraordinaire, que je sais parfaitement combien en réalité il est riche.

— Vous devez le savoir.

— Je crois que je dois le savoir… » dit le nain ; et en cela du moins, avec sa parole à double entente, il ne mentait pas.

Après avoir échangé encore quelques mots à voix basse, ils se remirent à table. Le jeune homme éveilla Richard Swiveller et lui apprit qu’il était temps de partir. Richard, à cette bonne nouvelle, se leva vivement. Le nain et Frédéric se dirent encore deux mots du succès assuré de leur plan, puis on souhaita le bonsoir à Quilp qui grimaça un adieu.