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Au milieu de ce brouhaha, Short prit énergiquement son parti. Il sonna de sa trompette de cuivre, et fit retentir bruyamment l’appel de Polichinelle. Derrière lui venait Thomas Codlin portant le théâtre comme de coutume, les yeux fixés sur Nelly et son grand-père, qui marchaient à l’arrière-garde.

L’enfant tenait à la main son panier plein de fleurs, et temps en temps elle s’arrêtait, d’un air timide et modeste, pour offrir ses bouquets aux personnes qui se trouvaient dans les belles voitures. Mais, hélas ! il y avait là bien des mendiants plus hardis qu’elle, des bohémiennes qui prédisaient des maris, et une foule d’autres vagabonds experts dans cette industrie ; et, bien que plusieurs dames eussent souri gracieusement en refusant les bouquets par un mouvement de tête, bien que d’autres eussent dit aux messieurs assis devant elles : « Voyez quelle jolie figure ! » elles laissaient passer la jolie figure, et ne s’inquiétaient pas de savoir si Nelly se mourait de faim et de fatigue.

Il n’y eut qu’une dame qui sembla comprendre Nelly. Elle était assise seule dans un riche équipage, tandis que deux jeunes gens en brillant costume, qui venaient de descendre de la voiture, parlaient et riaient très-haut à peu de distance, et ne songeaient certes pas à l’enfant. Près de là se trouvaient bien d’autres belles dames ; mais elles tournaient le dos à Nelly, ou portaient ailleurs leurs regards, assez probablement sur les deux jeunes élégants, et nulle ne faisait attention à la jeune fille. Mais la dame dont nous avons parlé repoussa une bohémienne qui offrait de lui dire sa bonne aventure, en répondant qu’on la lui avait dite déjà, et qu’elle en avait pour plusieurs années ; puis appelant Nelly et lui prenant un bouquet, elle lui mit quelque argent dans sa main qui tremblait, et lui recommanda de retourner chez elle et d’y rester, dans l’intérêt de son salut et de son honneur.

Plus d’une fois, Codlin, Short et leurs compagnons passèrent entre les longues, longues files de la multitude, voyant tout, excepté la seule chose qu’il y eût à voir, la course des chevaux Lorsque la cloche sonna pour donner le signal d’évacuer le champ de courses, ils revinrent se reposer parmi les charrettes et les ânes, attendant que la grande chaleur fût passée, pour se montrer de nouveau. Polichinelle avait, à maintes reprises, déployé tout l’éclat de sa belle humeur ; mais durant chacune des représentations, l’œil de Thomas Codlin était resté fixé sur Nelly