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attiré l’enfant entre ses genoux, et paraissait insensible à tout le reste autour de lui. Cependant il s’en fallait de quelques minutes seulement que minuit sonnât. Je me levai pour partir : ce mouvement rappela le vieillard à la réalité.

« Un moment, monsieur, dit-il. Eh bien ! Kit, bientôt minuit, mon garçon, et vous êtes encore ici ! Retournez chez vous, retournez chez vous, et demain matin soyez exact, car il y a de l’ouvrage à faire. Bonne nuit ! Souhaite-lui le bonsoir, Nelly, et qu’il s’en aille.

— Bonsoir, Kit, dit l’enfant, les yeux brillants de gaieté et d’amitié.

— Bonsoir, miss Nell, répondit le jeune garçon.

— Et remerciez ce gentleman, reprit le vieillard ; sans ses bons soins, j’aurais pu perdre cette nuit ma petite-fille.

— Non, non, maître, s’écria Kit, pas possible, pas possible.

— Comment ?

— Je l’aurais retrouvée, maître, je l’aurais retrouvée. Je parie que je l’aurais retrouvée et aussi vite que qui que ce soit, pourvu qu’elle fût encore sur la terre. Ha ! ha ! ha ! »

Ouvrant de nouveau sa large bouche en même temps qu’il fermait les yeux et poussait un éclat de rire d’une voix de stentor, Kit gagna la porte à reculons en continuant de crier. Une fois hors de la chambre, il ne fut pas long à décamper.

Après son départ, et tandis que l’enfant était occupée à desservir, le vieillard dit :

« Monsieur, je n’ai pas paru suffisamment reconnaissant de ce que vous avez fait pour moi ce soir, mais je vous en remercie humblement et de tout cœur ; Nelly en fait autant, et ses remerciements valent mieux que les miens. Je serais au regret si, en partant, vous emportiez l’idée que je ne suis pas assez pénétré de votre bonté ou que je n’ai pas souci de mon enfant… car certainement, cela n’est pas !

— Je n’en puis douter, dis-je, après ce que j’ai vu. Mais permettez-moi de vous adresser une question.

— Volontiers, monsieur ; qu’est-ce ?

— Cette charmante enfant, avec tant de beauté et d’intelligence, n’a-t-elle que vous au monde pour prendre soin d’elle ? pas d’autre compagnie ? d’autre guide ?

— Non, non, dit-il, me regardant en face avec anxiété ; non, et elle n’a pas besoin d’en avoir d’autre.