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blait avaler une douzaine de petits sous, pour s’entretenir la main ; il tenait en équilibre une plume sur son nez, et se livrait à divers autres traits de dextérité sans accorder la moindre attention à la compagnie qui, de son côté, ne s’occupait pas davantage de lui. À la fin, Nelly, fatiguée, décida son grand-père à se retirer. Ils sortirent, laissant la compagnie assise autour du feu et les chiens endormis à quelque distance.

Après avoir souhaité le bonsoir au vieillard, Nelly venait de passer dans son misérable galetas ; mais à peine en avait-elle fermé la porte, qu’elle y entendit frapper à petits coups. Elle ouvrit et fut quelque peu surprise à la vue de M. Thomas Codlin qu’elle avait laissé en bas profondément endormi, au moins en apparence.

— Qu’y a-t-il ? demanda l’enfant.

— Rien, ma chère, répondit le visiteur. Je suis votre ami. Peut-être n’y aviez-vous pas songé ; mais c’est moi qui suis votre ami, et non pas lui.

— Qui, lui ?

— Short, ma chère. Je vous le dis, bien qu’il ait des façons câlines qui pourraient vous faire illusion ; c’est moi qui suis l’homme franc et loyal de l’association. J’ai le cœur sur la main. On ne le dirait pas, mais cela n’empêche pas que c’est la vérité. »

Nelly commençait à se sentir effrayée, en pensant que l’ale avait produit trop d’effet sur M. Codlin, et que les louanges qu’il s’accordait devaient être une conséquence de ses libations.

« Short, reprit le misanthrope, est sans doute très-bien et paraît affectueux, mais il exagère la chose ; moi, c’est bien différent. »

Certes, si M. Codlin avait un défaut, en fait de tendresse de cœur, c’était plutôt d’en manquer que d’en avoir à revendre, à en juger par ses manières. Mais Nelly était trop préoccupée pour dire ce qu’elle pensait à cet égard.

« Suivez mes conseils, reprit Codlin ; ne me demandez pas le pourquoi, mais croyez-moi : tant que vous voyagerez avec nous, tenez-vous le plus près possible de moi. Ne proposez point de nous quitter (pour quelque raison que ce soit), mais attachez-vous toujours à moi, et dites que je suis votre ami. Voulez-vous, ma chère, vous bien mettre cela dans l’esprit, et