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« C’est la troupe de Grinder, n’est-ce pas ? dit M. Short prenant le ton le plus élevé.

— Oui, répondirent deux voix aiguës.

— Par ici, par ici, qu’on vous voie. Je savais bien que c’était vous. »

Sur cette invitation, « la troupe de Grinder » approcha au pas accéléré et ne tarda pas à joindre la petite compagnie. Ce qu’on appelait familièrement la troupe de M. Grinder se composait d’un jeune homme et d’une jeune fille montés tous deux sur des échasses, et de M. Grinder lui-même, qui, pour ses excursions pédestres, ne se servait que de ses jambes naturelles, portant sur son dos un tambour. Le costume que ces jeunes gens avaient en public était celui des highlanders d’Écosse ; mais, comme la nuit était humide et froide, le jeune homme avait endossé par-dessus son kilt une jaquette de marin qui lui tombait jusqu’aux chevilles, et il s’était coiffé d’un chapeau de toile cirée. La jeune fille était emmitouflée dans une vieille pelisse de drap, avec un mouchoir en marmotte sur la tête. M. Grinder avait coiffé son instrument de leurs bonnets écossais ornés de plumes d’un noir de jais.

« Vous allez aux courses, à ce que je vois, dit M. Grinder tout hors d’haleine. Nous aussi. Comment cela va-t-il, Short ? »

Ils se donnèrent une chaude poignée de main. Les deux jeunes gens se trouvant placés un peu trop haut pour pouvoir saluer Short à la manière ordinaire, s’y prirent d’une façon à eux particulière. Le jeune homme leva son échasse de droite et la passa par-dessus l’épaule de Short, et la jeune fille fit retentir son tambourin.

« Est-ce qu’ils s’exercent ? demanda Short, montrant les échasses.

— Non, répondit Grinder ; mais comme il faut qu’ils marchent avec leurs échasses ou qu’ils les portent sur l’épaule, ils aiment mieux marcher comme ça. C’est très-commode pour jouir du paysage. Quel chemin prenez-vous ? Nous, nous prenons le plus court.

— De fait, dit Short, nous suivions le chemin le plus long pour coucher cette nuit à un mille et demi d’ici. Mais trois ou quatre milles de plus ce soir, c’est autant de gagné pour demain ; si vous continuez votre marche, je crois que nous n’avons rien de mieux à faire que de vous accompagner.