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nuages de poussière dans les yeux des passants sans crier gare, ou bien elles écoutaient d’un air mélancolique les laitières qui leur parlaient des foires de campagne, des charrettes remisées sur les places, avec des toiles et des rideaux, tous les attributs de la fête enfin ; et, par-dessus le marché, de galants bergers, qu’elles allaient trouver en chemin pour la danse.

Ayant traversé ce quartier, l’enfant et le vieillard entrèrent dans les rues de commerce et de grand trafic, fréquentées par une foule considérable, et où déjà régnait beaucoup d’activité. Le vieillard regarda autour de lui avec un tressaillement plein d’effroi, car c’était précisément l’endroit qu’il avait à cœur de fuir. Il posa un doigt sur sa bouche et entraîna Nelly par des cours étroites et des ruelles tortueuses ; il ne parut recouvrer sa tranquillité que lorsqu’ils eurent laissé bien loin ce quartier : souvent il se retournait pour regarder en arrière, disant à demi-voix :

« Le meurtre et le suicide sont blottis dans chacune de ces rues… Ils nous suivront s’ils nous sentent… Nous ne saurions fuir trop vite ! »

De ce quartier ils arrivèrent, dans le voisinage, à des habitations éparses, misérables maisons qui, divisées en chambres étroites et ayant leurs croisées rapiécées avec des chiffons et du papier, indiquaient assez qu’elles servaient d’abri à la pauvreté populeuse. Dans les boutiques, on vendait des objets tels que la misère seule pouvait en acheter : les vendeurs et les acheteurs ne valaient pas mieux les uns que les autres. Il y avait d’humbles rues, où l’élégance ruinée essayait, sur un petit théâtre et avec des débris, de faire encore un reste de figure, mais le percepteur des contributions et le créancier savaient bien les déterrer là comme partout ailleurs ; et la pauvreté, qui faisait encore un semblant de résistance, était à peine moins hideuse et moins manifeste que celle qui, depuis longtemps résignée, avait abandonné la partie.

Venait ensuite une vaste, vaste étendue, offrant le même caractère, car les humbles goujats qui suivent le camp de l’opulence, viennent planter leurs tentes autour d’elle, de bien loin à la ronde. Une vaste étendue, qui ne faisait guère meilleure mine ; des maisons pourries d’humidité, la plupart à louer, beaucoup en construction, beaucoup à moitié déjà en ruine avant d’être construites ; des logements de nature à faire hésiter la