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hâte, et bientôt le redescendit non moins précipitamment, en confirmant lui-même le rapport qu’il venait d’entendre.

« Singulière manière de partir, dit-il en regardant Swiveller ; partir sans m’en prévenir, moi un ami si discret, si intime ! … Ah ! sans doute il a mieux aimé m’écrire, ou me faire écrire par Nelly… Oui, oui, c’est cela, Nelly a tant d’amitié pour moi… cette gentille Nelly ! »

M. Swiveller paraissait, et il était réellement confondu de surprise. Après avoir jeté sur lui un coup d’œil à la dérobée, Quilp se tourna vers M. Brass et lui dit, avec un ton d’autorité et d’insouciance, qu’il ne fallait pas que cette circonstance les empêchât de procéder à l’enlèvement des meubles, et il ajouta :

« Nous savions bien que le vieux et la petite devaient partir aujourd’hui, mais non qu’ils partiraient de si bonne heure ni si tranquillement. Enfin, ils avaient leurs raisons, ils avaient leurs raisons.

— Où diable sont-ils allés ? … » dit Richard toujours stupéfait.

Quilp branla la tête et se pinça les lèvres de façon à faire croire qu’il savait très-bien le fond des choses, mais qu’il n’était pas libre de le dire.

« Et, demanda Dick, remarquant le désordre qui régnait autour de lui, qu’entendez-vous par cet enlèvement des meubles ?

— Cela signifie que je les ai achetés, mon cher monsieur. Eh bien, après ?

— Est-ce que par hasard ce vieux sournois-là aurait fait fortune, et serait allé vivre dans une villa paisible, en quelque site pittoresque, à peu de distance de la mer agitée ? … » dit Richard de plus en plus confondu d’étonnement.

À quoi le nain répliqua en frottant ses mains avec force :

« Peut-être bien, et il aura eu soin de cacher le lieu de sa retraite pour ne pas recevoir trop souvent la visite de son cher petit-fils et de ses amis dévoués ! … Je l’ignore, moi, mais vous, qu’en dites-vous ? »

Richard Swiveller était atterré par ce revirement inattendu qui menaçait d’une ruine complète le plan auquel il s’était si fortement associé, et semblait détruire dans leur germe même ses projets de fortune. N’ayant appris de Frédéric Trent que le soir précédent la maladie du vieillard, il s’était hâté de faire, auprès de Nelly, sa visite de condoléance et de curiosité, en ap-