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Voyant que ses remontrances étaient inutiles, Sam enfonça solidement son chapeau, jeta sur son bras l’habit de son père, et saisissant le gros cocher par la ceinture, l’entraîna de force le long de l’échelle, et de là dans la rue, sans le lâcher, et sans lui permettre de s’arrêter. Comme ils arrivaient au carrefour, ils entendirent le tumulte occasionné par la dispersion, dans différentes directions, des membres de la branche de Brick-Lane de la grande union d’Ebenezer à l’association de Tempérance, et virent bientôt après passer le révérend M. Stiggins, que l’on emmenait parmi les huées de la populace, afin de lui faire passer la nuit dans un logement fourni par la cité.





CHAPITRE V.

Entièrement consacré au compte-rendu complet et fidèle du mémorable procès de Bardell contre Pickwick.

« Je voudrais bien savoir ce que le chef du jury peut avoir mangé ce matin à son déjeuner, dit M. Snodgrass par manière de conversation, dans la mémorable matinée du 14 février.

— Ah ! répondit M. Perker, j’espère qu’il a fait un bon déjeuner.

— Pourquoi cela ? demanda M. Pickwick.

— C’est fort important, extrêmement important, mon cher monsieur. Un bon jury satisfait, qui a bien déjeuné, est une chose capitale pour nous. Des jurés mécontents ou affamés, sont toujours pour le plaignant.

— Au nom du ciel, dit M. Pickwick, d’un air de complète stupéfaction, quelle est la cause de tout cela ?

— Ma foi, je n’en sais rien, répondit froidement le petit homme, c’est pour aller plus vite, je suppose. » Quand le jury s’est retiré dans la chambre des délibérations, si l’heure du dîner est proche, le chef des jurés tire sa montre, et dit :

« Juste ciel ! gentlemen, déjà cinq heures moins dix, et je dîne à cinq heures ! — Moi aussi, » disent tous les autres, excepté deux individus qui auraient dû dîner à trois heures, et qui en conséquence sont encore plus pressés de sortir. Le chef des jurés sourit et remet sa montre. « Eh bien ! gentlemen, qu’est-