Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’elles croyaient pouvoir le faire, tandis qu’une large tirelire de bois était placée en évidence sur le tapis vert du bureau, derrière lequel le secrétaire se tenait debout, reconnaissant par un gracieux sourire, chaque addition à la riche veine de cuivre que la boîte renfermait dans ses flancs.

Dans la présente occasion, les dames commencèrent par boire une quantité de thé presque alarmante, à la grande horreur de M. Weller qui, méprisant les signes de Sam, promenait autour de lui des regards où pouvaient se lire, avec facilité, son étonnement et son mépris.

« Sammy, murmura-t-il à son fils, si qué’ques uns de ces gens ici n’ont pas besoin d’être opérés pour l’hydropisie, demain matin, je ne suis pas ton père ! Vois-tu cette vieille lady, assise auprès de moi ? elle se noie avec du thé.

— Est-ce que vous ne pouvez pas vous tenir tranquille ? chuchota Sam.

— Sammy, reprit M. Weller au bout d’un moment et avec un accent d’agitation profonde, fais attention à ce que je te dis, mon garçon ; si ce secrétaire continue encore cinq minutes, il va crever à force d’avaler des rôties et de l’eau chaude.

— Eh bien ! laissez-le, si ça lui fait plaisir. Ce n’est pas votre affaire.

— Si ça dure plus longtemps, Sammy, poursuivit M. Weller à voix basse, je sens que c’est mon devoir comme homme et comme chrétien, de me lever et d’adresser qué’ques paroles au président. Il y a là une jeune femme, au troisième tabouret, qui a bu neuf tasses et demie ; je la vois qui gonfle visiblement à l’œil nu. »

Il n’y a nul doute que M. Weller eût exécuté ses bienveillantes intentions, si un grand bruit, occasionné par le choc des tasses, n’avait pas heureusement annoncé que le thé était terminé. La faïence ayant été enlevée et la table à la serge verte apportée au centre de la chambre, les opérations de la soirée furent entamées par un petit homme chauve, en culotte de velours de coton, qui grimpa soudainement à l’échelle, au hasard imminent de briser ses jambes maigrelettes.

« Ladies et gentlemen, dit le petit homme chauve, je porte au fauteuil notre excellent frère, M. Anthony Humm. »

À cette proposition les dames agitèrent une élégante collection de mouchoirs, et l’impétueux petit homme porta littérale-