« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda M. Wardle.
— Votre jeune homme est si singulier, continua M. Pickwick en regardant Joe d’un air inquiet. Cela vous étonnera peut-être, mais sur ma parole, j’ai peur qu’il n’ait quelquefois l’esprit un peu dérangé.
— Oh ! monsieur Pickwick ne dites point cela, s’écrièrent ensemble Émilie et Arabelle.
— Je n’en répondrais pas, bien entendu, reprit le philosophe, au milieu d’un profond silence et d’une épouvante générale ; mais ses manières avec moi, en ce moment, étaient vraiment alarmantes ! Oh là là ! cria M. Pickwick en sautant sur sa chaise. Je vous demande pardon, mesdames ; mais il vient de m’enfoncer quelque chose de pointu dans la jambe… Réellement, il est très-dangereux.
— Il est soûl ! vociféra le vieux Wardle avec colère. Tirez la sonnette, appelez les garçons ! il est soûl !…
— Je ne suis pas soûl ! s’écria le gros bouffi en tombant à genoux, pendant que son maître le saisissait par le collet, je ne suis pas soûl !
— Alors vous êtes fou, ce qui est encore pis ; appelez les garçons !
— Je ne suis pas fou, je suis très-raisonnable, répliqua Joe en commençant à pleurer.
— Alors pourquoi diable piquez-vous la jambe de M. Pickwick ?
— Il ne voulait pas me regarder, j’avais quelque chose à lui dire.
— Que vouliez-vous lui dire ? » demandèrent une demi-douzaine de voix à la fois.
Joe soupira, regarda la porte de la chambre à coucher, soupira encore, et essuya ses larmes avec les jointures de ses deux index.
« Qu’est-ce que vous vouliez lui dire ? demanda M. Wardle en le secouant.
— Arrêtez ! dit M. Pickwick, laissez-moi lui parler. Qu’est-ce que vous désiriez me communiquer, mon pauvre garçon ?
— Je voulais vous parler tout bas.
— Vous vouliez lui mordre l’oreille, je suppose, interrompit M. Wardle ; ne l’approchez pas, Pickwick, il est enragé. Tirez la sonnette pour qu’on l’emmène en bas. »
À l’instant où M. Winkle prenait le cordon de la sonnette, il fut arrêté par d’universelles exclamations de surprise. L’a-