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prendre soin de son bien, quand vous serez partis ; bien du soin, croyez-moi. »

Tirant du fond de sa poitrine un long soupir, M. Stiggins s’arrêta pour attendre une réponse ; Sam baissa la tête, et M. Weller laissa exhaler un son extraordinaire qui n’était ni un gémissement, ni un grognement, ni un râlement, mais qui paraissait participer, en quelque degré, du caractère de tous les trois.

M. Stiggins, encouragé par ce son, qu’il expliqua comme un signe de repentir, regarda autour de lui, frotta ses mains, pleura, sourit, pleura sur nouveaux frais ; et ensuite, traversant doucement la chambre, prit un verre sur une tablette bien connue, et y mit gravement quatre morceaux de sucre. Ce premier acte accompli, il regarda de nouveau autour de lui, et soupira lugubrement, puis il entra à pas de loup dans le comptoir, et revenant avec son verre à moitié plein de rhum, il s’approcha de la bouilloire qui chantait gaiement sur le foyer, mélangea son grog, le remua, le goûta, s’assit, but une longue gorgée, et s’arrêta pour reprendre haleine.

M. Weller, qui avait continué à faire d’effrayants efforts pour paraître endormi, ne hasarda pas la plus légère remarque pendant ces opérations, mais quand M. Stiggins s’arrêta pour reprendre haleine, il se précipita sur lui, arracha le verre de ses mains, lui jeta au visage le restant du grog, lança le verre dans la cheminée, et saisissant par le collet le révérend gentleman, lui détacha soudainement des coups de pied par derrière, en accompagnant chaque application de sa botte de violents et incohérents anathèmes, sur toute la personne du berger étourdi.

« Sammy, dit-il en s’arrêtant un moment, enfonce-moi solidement mon chapeau. »

En fils soumis, Sam enfonça le chapeau paternel orné de la longue bande de crêpe, et le brave cocher, reprenant ses occupations plus activement que jamais, roula avec M. Stiggins à travers le comptoir, à travers le passage, à travers la porte de la rue, et arriva dans la rue même, les coups de pied continuant tout le long du chemin, et leur violence, loin de diminuer, paraissant s’augmenter encore, chaque fois que la botte se levait.

C’était un superbe et réjouissant spectacle, de voir l’homme au nez rouge, dont le corps tremblait d’angoisse, se tordre dans les serres de M. Weller tandis que les coups de pied se