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Mary secoua la tête et soupira aussi.

« Il faut que je demande un congé à l’empereur, maintenant. »

Mary soupira encore ; la lettre était si touchante.

« Adieu, dit Sam.

— Adieu, répondit la jolie bonne en détournant la tête.

— Une poignée de mains. Est-ce que vous ne voulez pas ? »

La jolie bonne tendit une main qui était fort petite, quoique ce fût la main d’une bonne. Puis elle se leva pour s’en aller.

« Je ne serai pas bien longtemps, dit Sam.

— Vous êtes toujours absent, répliqua Mary en donnant à sa tête la plus légère secousse possible. Vous n’êtes pas plus tôt revenu que vous voilà reparti, monsieur Weller. »

Sam attira plus près de lui la beauté domestique et commença à lui parler à voix basse. Bientôt elle retourna son visage et consentit à le regarder de nouveau, de sorte que, quand ils se séparèrent, elle fut obligée d’aller dans sa chambre pour rarranger son bonnet et ses cheveux, avant de se rendre auprès de sa maîtresse. Tout en montant légèrement les escaliers, elle faisait encore à Sam, par-dessus la rampe, un grand nombre de signes et de sourires.

« Je ne serai pas plus d’un jour ou deux, monsieur, dit Sam à M. Pickwick.

— Aussi longtemps qu’il sera nécessaire, Sam ; vous avez toute permission de rester. »

Sam salua.

« Vous direz à votre père que si je puis lui être de quelque utilité, je suis prêt à faire pour lui tout ce qui sera en mon pouvoir.

— Je vous remercie bien, monsieur ; je le lui dirai. »

Ayant échangé ces expressions de bonne volonté et d’intérêt mutuel, le maître et le valet se séparèrent.

Il était sept heures du soir quand Samuel Weller descendit du siége d’une voiture publique, qui passait par Dorking, à quelques cents pas du marquis de Granby. La soirée était triste et froide, la petite rue, noire et déserte, et le visage d’acajou du noble marquis, poussé à droite et à gauche par le vent qui le faisait craquer d’une manière lugubre, semblait plus mélancolique qu’à l’ordinaire ; les jalousies étaient baissées, les volets fermés en partie ; il n’y avait pas un seul flâneur devant la porte ; la scène était silencieuse et désolée.

Voyant qu’il ne se trouvait là personne pour répondre à des