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droit, des monceaux de papiers, des lettres ouvertes, étaient répandus sur la table, sans aucune apparence d’ordre. L’ameublement était vieux et délabré, les portes de la bibliothèque semblaient vermoulues ; à chaque pas la poussière s’élevait en petits nuages du tapis râpé ; les rideaux étaient jaunis par l’âge et par la fumée, et l’état de toutes choses, dans le cabinet, prouvait, clair comme le jour, que maître Snubbin était trop absorbé par sa profession pour faire attention à ses aises.

L’illustre avocat s’occupait à écrire, lorsque ses clients entrèrent ; il salua d’un air distrait, quand M. Pickwick lui fut présenté par son avoué, fit signe à ses visiteurs de s’asseoir, plaça soigneusement sa plume dans son encrier, croisa sa jambe gauche sur sa jambe droite, et attendit qu’on lui adressât la parole.

« Maître Snubbin, dit M. Perker, M. Pickwick est le défendeur dans Bardell et Pickwick.

— Est-ce que je suis retenu pour cette affaire-là ?

— Oui, monsieur. »

L’avocat inclina la tête, et attendit une autre communication.

« Maître Snubbin, reprit le petit avoué, M. Pickwick avait le plus vif désir de vous voir, avant que vous entrepreniez sa cause, pour vous assurer qu’il n’y a aucun fondement, aucun prétexte à l’action intentée contre lui, et pour vous affirmer qu’il ne paraîtrait pas devant la cour, si sa conscience n’était pas complètement tranquille en résistant aux demandes de la plaignante. — Ai-je bien exprimé votre pensée, mon cher monsieur ? continua le petit homme en se tournant vers M. Pickwick.

— Parfaitement. »

Maître Snubbin développa son lorgnon, l’éleva à la hauteur de ses yeux, et après avoir considéré notre héros pendant quelques secondes, avec une grande curiosité, se tourna vers M. Perker, et lui dit en souriant légèrement :

« La cause de M. Pickwick est-elle bonne ? »

L’avoué leva les épaules.

« Vous proposez-vous d’appeler des témoins ?

— Non, monsieur. »

Le sourire de l’avocat se dessina de plus en plus ; il dandina sa jambe avec une violence redoublée, et se rejetant en arrière dans son fauteuil, il toussa dubitativement.