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« Très-bien ! dit M. Pickwick. Alors nous allons rester ici.

— John, cria l’aubergiste ; des lumières dans le soleil ; faites vite du feu, les gentlemen sont mouillés. Par ici, messieurs. Ne vous tourmentez pas du postillon, monsieur, je vous l’enverrai quand vous le sonnerez. Maintenant, John, les chandelles. »

Les chandelles furent apportées, le feu fut attisé et une nouvelle bûche y fut jetée. En dix minutes de temps un garçon mettait la nappe pour le dîner, les rideaux étaient tirés, le feu flambait, et, comme il arrive toujours dans une auberge anglaise un peu décente, on aurait cru, à voir l’arrangement de toutes choses, que les voyageurs étaient attendus depuis huit jours au moins.

M. Pickwick s’assit à une petite table et écrivit rapidement, pour M. Winkle, un billet dans lequel il l’informait simplement qu’il était arrêté par le mauvais temps, mais qu’il arriverait certainement à Londres, le jour suivant ; remettant d’ailleurs, à cette époque, le détail de ses opérations. Ce billet, arrangé de manière à avoir l’air d’un paquet, fut immédiatement porté à l’aubergiste, par Sam.

Après s’être séché au feu de la cuisine, Sam revenait pour ôter les bottes de son maître, quand, en regardant par une porte entr’ouverte, il aperçut un grand homme, dont les cheveux étaient roux. Devant lui, sur une table, était étalé un paquet de journaux, et il lisait l’article politique de l’un d’eux, avec un air de sarcasme continuel, qui donnait à ses narines et à tous ses traits une expression de mépris superbe et majestueux.

« Hé ! dit Sam, il me semble que je connais cette boule-là, et le lorgnon d’or, et la tuile à grands rebords. J’ai vu tout cela à Eatanswill, ou bien je suis un crétin ! »

À l’instant même, afin d’attirer l’attention du gentleman, Sam fut saisi d’une toux fort incommode. Celui-ci tressaillit, en entendant du bruit, leva sa tête et son lorgnon, et laissa apercevoir les traits profonds et pensifs de M. Pott, l’éditeur de la Gazette d’Eatanswill.

« Pardon, monsieur, dit Sam en s’approchant avec un salut. Mon maître est ici, monsieur Pott.

— Chut ! chut ! cria Pott, en entraînant Sam, dans la chambre et en fermant la porte, avec une expression de physionomie pleine de mystère et d’appréhension.

— Qu’est-ce qu’il y a ? monsieur, dit Sam en regardant avec étonnement autour de lui.