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« Eh bien ! allons-nous monter ? » dit l’individu qui s’était déjà adressé à mon oncle.

Il était habillé comme un courrier de malle-poste, mais il avait une perruque sur la tête, et de prodigieux parements à ses manches. D’une main il tenait une lanterne, et de l’autre une grosse espingole.

« En finirez-vous de monter, Jack Martin ? répéta le garde en approchant sa lanterne du visage de mon oncle.

— Par exemple ! s’écria mon oncle en reculant d’un pas ou deux, voilà qui est familier.

— C’est comme cela sur la feuille de route, répliqua le courrier.

— Est-ce qu’il n’y a pas un monsieur devant ? demanda mon oncle ; car il trouvait qu’un conducteur, qu’il ne connaissait pas, et qui l’appelait Jack Martin, tout court, prenait une liberté que l’administration de la poste n’aurait pas approuvée, si elle en avait été instruite.

— Non, il n’y en a pas, rétorqua le conducteur froidement.

— La place est-elle payée ? demanda mon oncle.

— Bien entendu.

— Ah ! ah ! Eh bien, allons. Quelle voiture ?

— Celle-ci, répondit le garde en montrant une malle-poste gothique, dont la portière était ouverte, le marchepied abaissé, et qui faisait le service d’Édimbourg à Londres.

— Attendez, voici d’autres voyageurs : laissez-les monter d’abord. »

Tandis qu’il parlait, mon oncle vit tout à coup apparaître en face de lui un jeune gentilhomme, avec une perruque poudrée et un habit bleu, brodé d’argent, dont les basques doublées de bougran étaient étonnamment carrées. Tiggin et Welps étaient dans les nouveautés, gentlemen, si bien que mon oncle reconnut du premier coup d’œil ces étoffes. L’étranger avait, en outre, une culotte de soie, des bas de soie et des souliers à boucles. Il portait à ses poignets des manchettes, sur sa tête un chapeau à trois cornes, et à son côté une épée très-mince. Les pans de son gilet couvraient à moitié ses cuisses, et les bouts de sa cravate descendaient jusqu’à sa ceinture. Il s’avança gravement vers la portière de la voiture, ôta son chapeau et le tint à bras tendu au-dessus de sa tête, arrondissant en même temps son petit doigt, comme le font quelques personnes maniérées, en prenant une tasse de thé. Puis il plaça ses pieds à la troisième position, fit un profond salut, et enfin tendit sa main gauche. Mon oncle allait s’avancer et la secouer