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murmura quelques représentations inarticulées, et, d’un coup de poing, il étendit M. Benjamin Allen sur la terre ; mais il fut immédiatement obligé de l’y suivre, car le tempérant jeune homme n’avait pas lâché sa cravate. Ils étaient donc là, tous les deux, en train de se débattre, lorsque la porte de la boutique s’ouvrit et laissa entrer deux personnages inattendus, M. Pickwick et Sam Weller.

En voyant ce spectacle, la première impression produite sur l’esprit de Sam, fut que Martin était payé par l’établissement de Sawyer, successeur de Nockemorf, pour prendre quelque violent remède ; ou pour avoir des attaques et se soumettre à des expériences, ou pour avaler de temps en temps du poison, afin d’attester l’efficacité de quelque nouvel antidote, ou pour faire n’importe quoi, dans l’intérêt de la science médicale, et pour satisfaire l’ardent désir d’instruction qui brûlait dans le sein des deux jeunes professeurs. Ainsi, sans se permettre la moindre intervention, Sam resta parfaitement calme, attendant, avec l’air du plus profond intérêt, le résultat de l’expérience ; mais il n’en fut pas de même de M. Pickwick : il se précipita, avec son énergie accoutumée, entre les combattants étonnés et engagea à grands cris les assistants à les séparer.

Ceci réveilla M. Sawyer qui, jusque-là, était resté comme paralysé par la frénésie de son compagnon. Avec son assistance, M. Pickwick remit Ben Allen sur ses pieds : quant à Martin, se trouvant tout seul sur le plancher, il se releva, et regarda autour de lui.

« Monsieur Allen, dit M. Pickwick, qu’est-il donc arrivé ?

— Cela me regarde, monsieur, répliqua Benjamin, avec une hauteur provoquante.

— Qu’est-ce qu’il y a, demanda M. Pickwick en se tournant vers Bob. Est-ce qu’il serait indisposé ? »

Avant que le pharmacien eût pu répliquer, Ben Allen saisit M. Pickwick par la main et murmura d’une voix dolente : « Ma sœur ! mon cher monsieur, ma sœur !

— Oh ! est-ce là tout ? répondit M. Pickwick. Nous arrangerons aisément cette affaire, à ce que j’espère. Votre sœur est en sûreté et bien portante, mon cher monsieur, je suis ici pour…

— Demande pardon, monsieur, interrompit Sam, qui venait de regarder par la porte vitrée, fâché de faire quelque chose qui puisse déranger ces agréables opérations, comme dit le roi en mettant le parlement à la porte, mais il y a une autre ex-