Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/280

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mieux de parler à monsieur Sawyer en particulier, pour un instant, pour un seul instant.

— Bob, dit M. Allen, voulez-vous emmener ma tante dans le laboratoire ?

— Certainement, répondit Bob d’une voix professionnelle. Passez par ici, ma chère dame. N’ayez pas peur, madame, je suis persuadé que nous remédierons à tout cela, en fort peu de temps. Ici, ma chère dame, je vous écoute. »

En parlant ainsi, M. Bob Sawyer conduisait la vieille lady vers son fauteuil, fermait la porte, tirait une chaise auprès d’elle et attendait qu’il lui plût de détailler les symptômes de quelque maladie, dont il calculait déjà les profits probables.

La première chose que fit la vieille dame fut de branler la tête un grand nombre de fois et de se mettre à pleurer.

« Les nerfs agités, dit le chirurgien avec complaisance. Julep de camphre, trois fois par jour, et, le soir, potion calmante.

— Je ne sais par où commencer, monsieur Sawyer. C’est si pénible, si désolant…

— Ne vous tourmentez pas, madame ; je devine tout ce que vous voudriez dire. La tête est malade.

— Je serais bien désespérée de croire que c’est le cœur, répondit la dame avec un profond soupir.

— Il n’y a pas le plus petit danger, madame. L’estomac est la cause primitive.

— Monsieur Sawyer ! s’écria la vieille dame en tressaillant.

— Ce n’est pas douteux, madame ; poursuivit Bob, d’un air prodigieusement savant. Une médecine, en temps utile, aurait prévenu tout cela.

— Monsieur Sawyer ! s’écria la vieille dame plus agitée qu’auparavant ; cette conduite est une impertinence, à moins qu’elle ne provienne de ce que vous ne comprenez pas l’objet de ma visite. S’il avait été au pouvoir de la médecine, ou de la prudence humaine, de prévenir ce qui est arrivé, je ne l’aurais pas souffert, assurément. Mais je ferais mieux de parler à mon neveu, ajouta la vieille dame, en tortillant avec indignation son ridicule, et en se levant tout d’une pièce.

— Attendez un moment, madame ; j’ai peur de ne vous avoir pas bien comprise. De quoi s’agit-il ? madame.

— Ma nièce, monsieur Sawyer, la sœur de votre ami…

— Oui, madame, interrompit Bob plein d’impatience ; car la vieille lady, quoique extrêmement agitée, parlait avec la lenteur