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CHAPITRE XIX.

Où l’on raconte comment M. Pickwick, avec l’assistance de Sam, essaya d’amollir le cœur de M. Benjamin Allen, et d’adoucir la rage de M. Robert Sawyer.

M. Ben Allen et M. Bob Sawyer, assis en tête à tête dans leur arrière-boutique, s’occupaient activement à dévorer un hachis de veau et à faire des projets d’avenir, lorsque le discours tomba, assez naturellement, sur la clientèle acquise par le susdit Bob, et sur ses chances actuelles d’obtenir un revenu suffisant au moyen de l’honorable profession à laquelle il s’était dévoué.

« Je les crois légèrement douteuses, dit l’estimable jeune homme, en suivant le fil de la conversation.

— Légèrement douteuses ? répéta M. Ben Allen ; et, après avoir aiguisé son intelligence au moyen d’un verre de bière, il ajouta : Qu’est-ce donc que vous trouvez légèrement douteux ?

— Les chances que j’ai de faire fortune.

— Je l’avais oublié, Bob. La bière vient de me faire souvenir que je l’avais oublié ! C’est vrai, elles sont douteuses.

— C’est étonnant comme les pauvres gens me patronnent, reprit Bob d’un ton réfléchi. Ils frappent à ma porte à toutes les heures de la nuit, prennent une quantité fabuleuse de médecines, mettent des vésicatoires et des sangsues, avec une persévérance digne d’un meilleur sort, et augmentent leur famille d’une manière véritablement hyperbolique. Six de ces petites lettres de change, échéant toutes le même jour, et toutes confiées à mes soins, Ben !

— C’est une chose fort consolante, répondit M. Ben Allen en approchant son assiette du plat de hachis.

— Oh ! certainement. Seulement j’aimerais autant avoir la confiance de patients qui pourraient se priver d’un ou deux shillings. Cette clientèle-ci était parfaitement décrite dans l’annonce ; c’est une clientèle…, une clientèle très-étendue, et rien de plus !

— Bob, dit M. Ben Allen en posant son couteau et sa four-