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« J’en ai vu assez, dit M. Pickwick en se jetant sur une chaise dans sa petite chambre. Ma tête est fatiguée de ces scènes bruyantes, et mon cœur aussi. Dorénavant je serai prisonnier dans ma propre chambre. »

M. Pickwick se tint parole. Durant trois longs mois il resta enfermé tout le jour, ne sortant qu’à la nuit pour respirer l’air, quand la plus grande partie des autres prisonniers étaient dans leur lit, ou se régalaient dans leur chambre. Sa santé commençait évidemment à souffrir de la rigueur de cette réclusion, mais ni les fréquentes supplications de ses amis et de M. Perker, ni les avertissements encore plus fréquents de Sam, ne pouvaient le décider à changer un iota à son inflexible résolution.




CHAPITRE XVII.

Où l’on rapporte un acte touchant de délicatesse accompli par MM. Dodson et Fogg, non sans une certaine dose de plaisanterie.


Vers la fin du mois de juillet, un cabriolet de place dont le numéro n’est point spécifié, s’avançait d’un pas rapide vers Goswell-Street. Trois personnes y étaient entassées, outre le conducteur, placé, comme à l’ordinaire, dans son petit siége de côté. Sur le tablier pendaient deux châles, appartenant, selon toute apparence, à deux dames à l’air revêche, assises sous ledit tablier. Enfin un gentleman, d’une tournure épaisse et soumise, était soigneusement comprimé entre les deux ladies, par l’une ou par l’autre desquelles il était immédiatement rabroué lorsqu’il s’aventurait à faire quelque légère observation. Ces trois personnages donnaient en même temps au cocher des instructions contradictoires, tendant toutes au même but, qui était d’arrêter à la porte de Mme  Bardell ; mais tandis que l’épais gentleman prétendait que cette porte était verte, les deux ladies revêches soutenaient qu’elle était jaune.

« Cocher, disait le gentleman, arrêtez à la porte verte.

— Quel être insupportable ! s’écria l’une des dames. Cocher, arrêtez à la maison qui a la porte jaune. »