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propres. Mais tous en flânant, en se traînant, en baguenaudant, semblaient y mettre aussi peu d’intérêt, aussi peu d’animation, que les animaux qui vont et viennent derrière les barreaux d’une ménagerie.

D’autres prisonniers passaient leur temps aux fenêtres qui donnaient sur les promenades ; et, parmi ceux-ci, les uns conversaient bruyamment avec les individus de leur connaissance qui se trouvaient en bas ; les autres jouaient à la balle avec quelques aventureux personnages, qui les servaient du dehors ; d’autres enfin regardaient les joueurs de paume, ou écoutaient les garçons qui criaient le jeu.

Des femmes malpropres passaient et repassaient avec des savates pour se rendre à la cuisine, qui était dans un coin de la cour. Dans un autre coin, des enfants criaient, jouaient, et se battaient. Le fracas des quilles et les cris des joueurs se mêlaient perpétuellement à ces mille bruits divers ; tout était mouvement et tumulte, excepté à quelques pas de là, dans un misérable petit hangar où gisait, pâle et immobile, le corps du prisonnier de la chancellerie, décédé la nuit précédente, et attendant la comédie d’une enquête. Le corps ! c’est le terme légal pour exprimer cette masse turbulente de soins, d’anxiétés, d’affections, d’espérances, de douleurs, qui composent l’homme vivant. La loi possédait le corps du prisonnier ; il était là, témoin effrayant des tendres soins de cette bonne mère.

« Voulez-vous voir une boutique sifflante[1], monsieur ? demanda Job à M. Pickwick.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ? répondit celui-ci.

— Une boutique chifflante, monsieur, fit observer Sam.

— Qu’est-ce que c’est que cela, Sam ? Une boutique d’oiseleur ?

— Du tout ! monsieur, reprit Job ; c’est où l’on vend des liqueurs. Il expliqua alors brièvement, qu’il était défendu d’introduire dans la prison des débiteurs des boissons spiritueuses ; mais que cet article y étant singulièrement apprécié, quelques geôliers spéculateurs, déterminés par certaines considérations lucratives, s’étaient avisés de permettre à deux ou trois prisonniers de débiter, dans leurs chambres, le régal favori des ladies et des gentlemen confinés dans la prison. Cet usage, continua Job, a été introduit graduellement dans toutes les prisons pour dettes.

  1. Étymologie : s’humecter le sifflet (boire).