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— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Un piano forcé, Samivel, répliqua M. Weller d’une manière encore plus mystérieuse. Un qu’il peut louer, mais qui ne jouera pas.

— Et à quoi servira-t-il, alors ?

— Il fera dire à mon ami, l’ébéniste, de le remporter ; y es-tu ?

— Non.

— Y n’y a pas de machine dedans ; il y tiendra aisément avec son chapeau et ses souliers, et il respirera par les pieds, qui sont creux. Vous avez un passage tout prêt pour la Mérique… Le gouvernement des Méricains ne le livrera jamais, tant qu’il aura de l’argent à dépenser. Le gouverneur n’a qu’à rester là jusqu’à ce que Mme  Bardell soit morte, ou que MM. Dodson et Fogg soient pendus, ce qu’est le plus probable des deux événements, et ensuite il revient et écrit un livre sur les Méricains, qui payera toutes ses dépenses, et plus, s’il les mécanise suffisamment. »

M. Weller débita ce rapide sommaire de son complot, avec une grande véhémence de chuchotements, et ensuite, comme s’il avait peur d’affaiblir par d’autres discours l’effet de cette prodigieuse annonce, il fit le salut du cocher et s’enfuit.

Sam avait à peine recouvré sa gravité ordinaire, grandement troublée par la communication secrète de son respectable parent, lorsque M. Pickwick l’accosta.

« Sam, lui dit-il.

— Monsieur ?

— Je vais faire le tour de la prison, et je désire que vous me suiviez. Sam, ajouta l’excellent homme en souriant, voilà un prisonnier de votre connaissance qui vient par là.

— Lequel, monsieur ? Le gentleman velu, où bien l’intéressant captif avec les bas bleus ?

— Ni l’un ni l’autre. C’est un de vos plus anciens amis.

— De mes amis !

— Je suis sûr que vous vous le rappelez très-bien ; ou vous auriez moins de mémoire pour vos vieilles connaissances que je ne vous en croyais. Chut ! pas un mot, pas une syllabe, Sam ! Le voici. »

Pendant ce colloque M. Jingle s’approchait. Il n’avait plus l’air aussi misérable, et portait des vêtements à demi usés, retirés, grâce à M. Pickwick, des griffes du prêteur sur gages. Ses cheveux avaient été coupés, il portait du linge blanc ; mais