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— Oh, mon cher jeune ami, je les méprise toutes. Pourtant, s’il en est une moins odieuse que les autres, c’est la liqueur que l’on appelle rhum ; chaude, mon cher jeune ami avec trois morceaux de sucre par verre.

— J’en suis très-fâché, monsieur ; mais on ne permet pas de vendre cette vanité-là dans l’établissement.

— Oh ! les cœurs endurcis, les cœurs endurcis ! s’écria M. Stiggins. Oh ! la cruauté maudite de ces persécuteurs inhumains ! »

Ayant dit ces mots, l’homme de Dieu recommença à tourner ses yeux, en frappant sa poitrine de son parapluie ; et pour lui rendre justice, nous devons dire que son indignation ne paraissait ni feinte, ni légère.

Lorsque Mme  Weller et le révérend gentleman eurent vigoureusement déblatéré contre cette règle barbare, et lancé contre ses auteurs un grand nombre de pieuses exécrations, M. Stiggins recommanda une bouteille de vin de Porto, mêlée avec un peu d’eau chaude, d’épices et de sucre, comme étant un mélange agréable à l’estomac et moins rempli de vanité que beaucoup d’autres compositions.

Pendant qu’on préparait cette célèbre mixture, l’homme au nez rouge et Mme  Weller s’occupaient à contempler M. Weller, tout en poussant des gémissements.

« Eh bien ! Sammy, dit celui-ci ; j’espère que tu te trouveras ragaillardi par cette aimable visite ? Une conversation très-gaie et très-instructive, n’est-ce pas ?

— Vous êtes un réprouvé, dit Sam ; et je vous prie de ne plus m’adresser vos observations impies. »

Bien loin d’être édifié par cette réplique, pleine de convenance, M. Weller retomba sur nouveaux frais dans ses ricanements, et cette conduite impénitente ayant induit la vertueuse dame et M. Stiggins à fermer les yeux et à se balancer sur leur chaise comme s’ils avaient eu la colique, le jovial cocher se permit, en outre, divers actes de pantomime, indiquant le désir de ramollir la tête et de tirer le nez du révérend personnage. Mais il s’en fallut de peu qu’il ne fût découvert, car M. Stiggins ayant tressailli à l’arrivée du vin chaud, amena sa tête en violent contact avec le poing fermé de M. Weller, qui depuis quelques minutes décrivait autour des oreilles du révérend homme un feu d’artifice imaginaire.

« Vous aviez bien besoin d’avancer la main, comme un sauvage pour prendre le verre ? s’écria Sam, avec une grande pré-