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encore à la sienne, ce n’était qu’un acte de pure politesse de cligner de l’œil de nouveau et de boire à sa santé, en pantomime, un autre coup de bière. Sam n’y manqua pas ; puis ayant hideusement froncé ses sourcils à un petit garçon qui l’avait regardé faire avec des yeux tout grands ouverts, il se croisa les jambes, et, tenant le journal à deux mains, commença à lire sérieusement.

À peine s’était-il recueilli dans l’état d’abstraction nécessaire, quand il crut entendre qu’on l’appelait dans le lointain. Il ne s’était pas trompé, car son nom passait rapidement de bouche en bouche, et peu de secondes après l’air retentissait des cris de : Weller ! Weller !

« Ici, beugla Sam, d’une voix de Stentor. Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’a besoin de lui ? Est-ce qu’il est venu un exprès pour lui dire que sa maison de campagne est brûlée ?

— On vous demande au parloir, dit un homme en s’approchant.

— Merci, mon vieux, répondit Sam. Faites un brin attention à mon journal et à mon pot ici, s’il vous plaît. Je reviens tout de suite. Dieu me pardonne ! si on m’appelait à la barre du tribunal, on ne pourrait pas faire plus de bruit que cela. »

Sam accompagna ces mots d’une légère tape sur la tête du jeune gentleman ci-devant cité, lequel, ne croyant pas être si près de la personne demandée, criait Weller ! de tous ses poumons ; puis il traversa la cour, et, montant les marches quatre à quatre, se dirigea vers le parloir. Comme il y arrivait, la première personne qui frappa ses regards fut son cher père, assis au bout de l’escalier, tenant son chapeau dans sa main et vociférant Weller ! de toutes ses forces, de demi-minute en demi-minute.

« Qu’est-ce que vous avez à rugir ? demanda Sam impétueusement, quand le vieux gentleman se fut déchargé d’un autre cri. Vous voilà d’un si beau rouge que vous avez l’air d’un souffleur de bouteilles en colère ; qu’est-ce qu’il y a ?

— Ah ! répliqua M. Weller. Je commençais à craindre que tu n’aies été faire un tour au parc, Sammy.

— Allons ! reprit Sam, n’insultez pas comme cela la victime de votre avarice. Ôtez-vous de cette marche. Pourquoi êtes-vous assis là ? Ce n’est pas mon appartement.

— Tu vas voir une fameuse farce, Sammy, dit M. Weller en se levant.