Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Une fameuse farce, dit M. Weller, avec un gros rire, un véritable enfant prodige.

— Prodigue, monsieur, enfant prodigue, suggéra doucement M. Pell.

— Ne vous tourmentez pas, monsieur, répliqua M. Weller, avec dignité. Je sais l’heure qu’il est, monsieur. Quand je ne la saurai pas, je vous la demanderai, monsieur. »

Lorsque l’officier arriva, Sam s’était rendu si populaire, que les gentlemen réunis à la taverne se déterminèrent à le conduire, en corps, à la prison. Ils se mirent donc en route ; le demandeur et le défendeur marchaient bras dessus bras dessous : l’officier en tête et huit puissants cochers formaient l’arrière-garde. Après s’être arrêtés au café de Sergeant’s Inn pour se rafraîchir et pour terminer tous les arrangements légaux, la procession se remit en marche.

Une légère commotion fut excitée dans Fleet-Street par l’humeur plaisante des huit gentlemen de l’arrière-garde, qui persistaient à marcher quatre de front. On décida qu’il était nécessaire de laisser en arrière le gentleman grêlé pour boxer avec un commissionnaire, et il fut convenu que ses amis le prendraient au retour. Au reste ces légers incidents furent les seuls qui arrivèrent pendant la route. Quand on fut parvenu devant la prison, la cavalcade sous la direction du demandeur, poussa trois effroyables acclamations pour le défendeur, et ne le quitta que lorsqu’il eut plusieurs fois secoué la main de chacun de ses membres.

Sam ayant été formellement remis entre les mains du gouverneur de la flotte, à l’immense surprise de Roker et du flegmatique Neddy lui-même, entra sur-le-champ dans la prison, marcha droit à la chambre de son maître, et frappa à la porte.

« Entrez, dit M. Pickwick. »

Sam parut, ôta son chapeau, et sourit.

« Ah ! Sam, mon bon garçon ! dit M. Pickwick, évidemment charmé de revoir son humble ami ; je n’avais pas l’intention de vous blesser hier par ce que je vous ai dit, mon fidèle serviteur. Posez votre chapeau, Sam, et laissez-moi vous expliquer un peu plus longuement mes idées.

— Ça ne peut-il pas attendre à tout à l’heure, monsieur ?

— Oui, certainement. Mais pourquoi pas maintenant ?

— J’aimerais mieux tout à l’heure, monsieur.

— Pourquoi donc ?