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ment dire subir une inspection des différents geôliers, afin qu’ils pussent distinguer les prisonniers de ceux qui venaient les visiter.

« Eh bien ! alors, Sam, dit M. Pickwick, je désire que les artistes arrivent promptement. Ceci est un endroit un peu trop public pour mon goût.

— Ils ne seront pas longs, monsieur, soyez tranquille. Voilà une horloge à poids, monsieur.

— Je la vois.

— Et une cage d’oiseaux, une prison dans une prison, monsieur. C’est-il pas vrai ? »

Pendant que Sam donnait cours à ces réflexions philosophiques, M. Pickwick s’apercevait que la séance était commencée. Le vigoureux guichetier s’était assis non loin de notre héros et le regardait négligemment de temps en temps, tandis qu’un grand homme mince, planté vis-à-vis de lui, avec ses mains sous les pans de son habit, l’examinait longuement. Un troisième gentleman, qui avait l’air de mauvaise humeur et qui venait sans doute d’être dérangé de son thé, car il mangeait encore un reste de tartine de beurre, s’était placé près du philosophe, et, appuyant ses mains sur ses hanches, l’inspectait minutieusement ; enfin deux autres individus groupés ensemble étudiaient ses traits avec des visages pensifs et pleins d’attention. M. Pickwick tressaillit plusieurs fois pendant cette opération, durant laquelle il semblait fort mal à l’aise sur son siége ; mais il ne fit de remarque à personne, pas même à Sam, qui, incliné sur le dos de sa chaise, réfléchissait partie sur la situation de son maître et partie sur la satisfaction qu’il aurait éprouvée à attaquer, l’un après l’autre, tous les geôliers présents, si cela avait été légal et conforme à la paix publique.

Quand le portrait fut terminé, on informa M. Pickwick qu’il pouvait entrer dans la prison.

« Où coucherai-je cette nuit ? demanda-t-il.

— Ma foi, répondit le vigoureux guichetier, je ne sais pas trop, pour cette nuit. Demain matin, vous serez accouplé avec quelqu’un, et alors vous serez tout à l’aise et confortable. La première nuit, on est ordinairement un peu en l’air ; mais tout s’arrange le lendemain. »

Après quelques discussions, on découvrit qu’un des geôliers avait un lit à louer pour la nuit, et M. Pickwick s’en accommoda avec empressement.

« Si vous voulez venir avec moi, je vais vous le montrer sur-