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chose de bien extraordinaire. Avez-vous vu cela ? Et il montrait, par la fenêtre, les rayons lumineux qui venaient de reparaître.

— Oui, monsieur.

— Et qu’en pensez-vous, Pruffle ?

— Ce que j’en pense, monsieur ?

— Oui. Vous avez été élevé à la campagne ; savez-vous quelle est la cause de ces lumières ? »

Le savant attendait en souriant une réponse négative.

« Monsieur, dit-il à la fin, j’imagine que ce sont des voleurs.

— Vous êtes un sot ! Vous pouvez retourner en bas.

— Merci, monsieur, répondit Pruffle ; et il s’en alla. »

Cependant le savant était cruellement tourmenté par l’idée que son profond traité serait infailliblement perdu pour le monde, si l’hypothèse de l’ingénieux M. Pruffle n’était pas étouffée dès sa naissance. Il mit donc son chapeau et descendit doucement dans son jardin, déterminé à étudier à fond le météore.

Or, quelque temps avant que le savant fût descendu dans son jardin, M. Pickwick, croyant entendre venir quelqu’un, avait couru jusqu’au fond de la ruelle, le plus vite qu’il avait pu, pour communiquer une fausse alerte, et, dans sa course rapide, avait de temps en temps tiré la coulisse de sa lanterne sourde pour éviter de tomber dans le fossé. Aussitôt que cette alerte eut été donnée, M. Winkle regrimpa sur son mur, Arabella courut dans sa maison, la porte du jardin fut fermée, et nos trois aventuriers s’en revenaient, de leur mieux, le long de la ruelle, quand ils furent effrayés par le bruit que faisait le savant en ouvrant la porte de son jardin.

« Halte ! murmura Sam, qui marchait en avant, bien entendu. Montrez la lumière juste une seconde, monsieur. »

M. Pickwick fit ce qui lui était demandé, et Sam voyant une tête d’homme qui s’avançait avec précaution, à environ deux pieds de la sienne, lui donna de son poing fermé une légère tape qui lui fit sonner le creux contre la grille ; puis, ayant accompli cet exploit avec grande promptitude et dextérité, il prit M. Pickwick sur son dos et suivit M. Winkle le long de la ruelle, avec une rapidité véritablement étonnante, vu le poids dont il était chargé.

« Monsieur, demanda-t-il à son maître, quand il fut arrivé au bout, avez-vous repris votre respire ?