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« Des assiettes, Joe ! des assiettes !  » Les assiettes furent distribuées de la même manière.

« Maintenant, Joe, la volaille. Damné garçon, il est encore à dormir. Joe ! Joe ! Plusieurs coups de canne administrés sur la tête du dormeur le tirèrent enfin de sa léthargie. Allons passez-nous les comestibles. »

Il y avait quelque chose, dans le son de ce dernier mot, qui réveilla entièrement le gros dormeur. Il tressaillit, et ses yeux plombés, à moitié cachés par ses joues bouffies, lorgnèrent amoureusement les comestibles à mesure qu’il les déballait.

« Allons, dépêchons, » dit H. Wardle, car le gros joufflu dévorait du regard un chapon, dont il paraissait ne pas pouvoir se séparer. Il soupira profondément, jeta un coup d’œil désespéré sur la volaille dodue, et la remit tristement à son maître.

« Bon ! Un peu de vivacité ! Maintenant la langue. Maintenant le pâté de pigeons ! Prenez garde au veau et au jambon. Attention aux écrevisses. Ôtez la salade de la serviette. Passez-moi l’assaisonnement. » Tout en donnant ces ordres précipités, M. Wardle distribuait dans l’intérieur de la voiture les articles qu’il nommait, et plaçait des plats sans nombre dans les mains et sur les genoux de chacun.

Lorsque l’œuvre de destruction fut commencée, le joyeux hôte demanda à ses convives : « Eh bien ! n’est-ce pas délicieux ?

— Délicieux ! répondit M. Winkle, qui découpait une volaille sur le siége.

— Un verre de vin ?

— Avec le plus grand plaisir.

— Ne feriez-vous pas mieux d’avoir une bouteille pour vous, là-haut ?

— Vous êtes bien bon.

— Joe !

— Oui, monsieur. (Il n’était point endormi, cette fois, étant parvenu à soustraire un petit pâté de veau.)

— Une bouteille de vin au gentleman sur le siége. Je suis charmé de vous voir, monsieur.

— Bien obligé, répondit M. Winkle, en plaçant la bouteille à côté de lui.

— Voulez-vous me permettre de prendre un verre de vin avec vous ? dit M. Trundle à M. Winkle.

— Avec grand plaisir, » repartit celui-ci ; et les deux gentle-