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rompit le lieutenant. Puis s’adressant à M. Pickwick, qui était singulièrement intrigué de ces a parte impolis, il continua en ces termes : « Voulez-vous me permettre, monsieur, de vous demander si cette personne appartient à votre société ?

— Non, monsieur, répondit M. Pickwick. C’est seulement un de nos hôtes.

— C’est, je pense, un membre de votre club ?

— Non, certainement.

— Et il ne porte jamais l’uniforme du club ?

— Non, jamais, » répliqua M. Pickwick avec étonnement.

Le lieutenant Tappleton se retourna vers son ami, le docteur Slammer, avec un léger mouvement d’épaules, qui semblait impliquer quelque doute de l’exactitude de ses souvenirs.

Le docteur paraissait enragé, mais confondu, et M. Payne considérait avec une expression féroce la contenance bienveillante de M. Pickwick.

« Monsieur, vous étiez au bal la nuit dernière, » dit tout d’un coup le docteur à M. Tupman, d’un ton qui le fit tressaillir aussi visiblement que si une épingle avait été insérée méchamment dans son mollet. Il répondit un faible « Oui ;  » mais sans cesser de regarder M. Pickwick.

« Cette personne était avec vous, » continua le docteur en montrant l’immuable étranger.

M. Tupman admit le fait.

« Maintenant, monsieur, dit le docteur à l’étranger, je vous demande encore une fois, en présence de ces gentlemen, si vous voulez me donner votre carte et vous voir traité en gentleman, ou si vous voulez m’imposer la nécessité de vous châtier personnellement sur la place.

— Arrêtez, monsieur, interrompit M. Pickwick. Je ne puis réellement pas laisser aller plus loin cette affaire sans quelques explications. Tupman, racontez-en les circonstances. »

M. Tupman, ainsi adjuré solennellement, raconta le fait en peu de paroles, passa légèrement sur l’emprunt de l’habit, s’étendit longuement sur ce que cela avait été fait après dîner, exprima un peu de repentir pour son compte, et laissa l’étranger se tirer d’affaire comme il pourrait.

Celui-ci se disposait à parler, quand le lieutenant Tappleton, qui l’avait examiné avec une grande curiosité, lui dit d’un ton dédaigneux :

« Ne vous ai-je pas vu au théâtre, monsieur ?

— Certainement, répliqua l’étranger sans se laisser intimider.