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nier tableau sembla s’abaisser sur ses sens et l’inviter au repos. L’un après l’autre les goblins s’effacèrent, et lorsque le dernier eut disparu, Gabriel Grub s’endormit profondément.

Le jour était avancé, quand le sacristain s’éveilla. Il se trouva étendu tout de son long dans le cimetière, sur la tombe plate qu’il affectionnait. Sa bouteille d’osier, entièrement vide, gisait à ses côtés, et son habit, sa bêche, sa lanterne, tout blanchis par la gelée de la nuit, étaient éparpillés autour de lui sur la terre. La pierre sur laquelle il avait d’abord vu le goblin, se dressait là tout près de la fosse à laquelle il avait travaillé le soir précédent. Cependant, Gabriel commençait à douter de la réalité de ses aventures, mais les douleurs aiguës qu’il ressentit dans ses épaules, lorsqu’il essaya de se lever, l’assurèrent que les coups de pieds qu’il avait reçus n’étaient pas imaginaires. Il fut ébranlé de nouveau en ne voyant pas de traces de pas sur la neige où les lutins avaient joué à saute-mouton avec les tombes ; mais bientôt après il s’expliqua cette circonstance en se rappelant que des esprits ne peuvent laisser derrière eux aucune impression visible.

Quoi qu’il en soit, Gabriel se mit sur ses jambes aussi bien que le lui permettait la roideur de son épine dorsale ; puis ayant secoué la gelée blanche de dessus son habit, il l’endossa, et se dirigea vers la ville.

Mais son esprit était entièrement changé, et il ne pouvait supporter la pensée de retourner dans un endroit où son repentir serait mis en doute, sinon ridiculisé. Il hésita pendant quelques instants, puis il se dirigea vers la campagne pour aller gagner son pain dans un nouveau pays, quel qu’il fût.

On trouva ce jour-là dans le cimetière, sa lanterne, sa bêche et sa bouteille d’osier. On fit d’abord beaucoup de suppositions sur sa destinée, mais on décida promptement qu’il avait été enlevé par les goblins. Il se trouva même des témoins très-véridiques, qui déclarèrent l’avoir vu distinctement emporté à travers les airs, sur le dos d’un cheval brun, lequel cheval était borgne, avait la queue d’un ours, et le train de derrière d’un lion. Au bout de quelque temps, cela fut cru dévotement, et le nouveau sacristain avait coutume de montrer aux curieux, pour une bagatelle, un morceau assez considérable du coq de cuivre du clocher, détaché par un coup de pied du cheval pendant sa course aérienne, et ramassé par ledit sacristain, dans le cimetière, un an ou deux après l’événement.

Malheureusement, la véracité de ce récit fut légèrement in-