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Ils reculèrent et regardèrent, avec une terreur religieuse, son visage enfantin ; car, quoique l’expression en fût calme et tranquille, quoique le bel enfant parût dormir en paix, ils voyaient bien que la mort était là, et ils savaient que maintenant leur petit frère était un ange dans les cieux, d’où il les contemplait et les bénissait.

Un léger nuage passa de nouveau sur la peinture et le sujet en fut changé. Le père et la mère étaient devenus vieux et infirmes, et le nombre de ceux qui les entouraient avait diminué de plus de moitié. Cependant la paix et le contentement régnaient encore sur tous les visages. La famille était réunie autour du feu et les parents racontaient, les enfants écoutaient avec délices des histoires des anciens temps et des jours écoulés. Doucement et tranquillement le vieux père descendit dans la tombe, et bientôt après, celle qui avait partagé tous ses soins et toutes ses peines, le suivit dans le séjour de l’éternel repos. Les enfants qui leur survivaient s’agenouillèrent en pleurant sur le gazon du cimetière ; puis ils se relevèrent et s’éloignèrent lentement, tristement, mais sans cris amers, sans lamentations désespérées, car ils étaient sûrs de les revoir bientôt dans le royaume céleste. Ils se mêlèrent donc de nouveau aux scènes actives du monde, et la tranquillité, le contentement revinrent habiter avec eux.

Le nuage descendit alors sur le tableau et le déroba aux yeux du sacristain.

« Qu’est-ce que vous pensez de cela ? » demanda le goblin à Gabriel en tournant vers lui sa large face.

Gabriel balbutia que c’était un spectacle fort amusant, mais il paraissait honteux et mal à l’aise, car le lutin fixait sur lui des yeux farouches.

« Misérable égoïste ! s’écria celui-ci d’un ton plein de mépris. Misérable égoïste ! » Il paraissait disposé à ajouter quelque chose, mais l’indignation l’empêchait de prononcer. Il leva une de ses jambes flexibles, et l’agitant au-dessus de sa tête afin de mieux ajuster, il la déchargea solidement sur le dos de Gabriel. Aussitôt tous les goblins qui faisaient leur cour, suivirent l’exemple du maître ; car c’est l’usage invariable des courtisans, même sur la terre, de flageller ceux que le pouvoir flagelle, et de cajoler ceux qu’il cajole.

« Montrez-lui encore quelque chose, » dit ensuite le roi des lutins.

À ces mots le nuage se dissipa, comme la première fois, et