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— Vraiment !

— Le lundi, il emprunte dix-huit pence ; le mardi, il demande un shilling pour compléter la demi-couronne ; le vendredi, il remprunte une autre demi-couronne pour faire un compte rond de cinq shillings, et il va comme ça, en doublant, jusqu’à ce qu’il arrive, en un rien de temps, à empocher une bank-note de cinq livres. Ça ressemble à ce calcul du livre d’arusmétique où l’on arrive à des sommes folles en doublant les clous d’un fer à cheval. »

Sam indiqua par un geste qu’il se rappelait le problème auquel son père faisait allusion.

« Comme ça, vous n’avez pas voulu souscrire pour les gilets de flanelle, demanda Sam après avoir lancé de nouveau quelques bouffées de tabac silencieuses.

— Non certainement. À quoi des gilets de flanelle peuvent-ils servir à ces négrillons ? Mais vois-tu, Sammy, ajouta M. Weller en baissant la voix et en se penchant vers son compagnon, je souscrirais bien volontiers une jolie somme s’il s’agissait d’offrir des camisoles de force à certains particuliers que nous connaissons. »

Ayant exprimé cette opinion, M. Weller reprit lentement sa position première, et cligna de l’œil d’un air très-sagace.

« C’est une drôle d’idée, tout de même, de vouloir envoyer des mouchoirs à des gens qui ne connaissent pas la manière de s’en servir, fit remarquer Sam.

— I’ sont toujours à faire quelque bêtise de ce genre, Sammy. L’autre dimanche, je flânais sur la route, qu’est-ce que j’aperçois debout à la porte d’une chapelle ? Ta belle-mère avec un plat de faïence bleue à la main, oùs que les patards tombaient comme la grêle… Tu n’aurais jamais cru qu’un plat mortel aurait pu y tenir. Et pour quoi penses-tu que c’était, Sammy ?

— Pour donner un autre thé, peut-être !

— Tu n’y es pas, c’était pour la rente d’eau du berger

— La rente d’eau du berger !

— Ni plus ni moins. I’ y avait trois trimestres que le berger n’avait pas payé un liard, pas un liard. Au fait il n’a guère besoin d’eau, i’ ne boit que très-peu de c’te liqueur-là, très-peu, Sammy… pas si chose ! Comme ça, la rente n’était pas payée et le receveur avait arrêté son filet. V’là donc le berger qui s’en va à la chapelle. Il dit qu’il est un saint martyrisé, qu’il désire que le tourne-robinet qu’a coupé son filet obtienne son